Browser Wars – l’Europe contre-attaque

mars 6th, 2013 | Posted by Claude-Etienne Armingaud in Concurrence | Europe | Logiciel

L

a saga européenne des navigateurs embarqués fait l’objet d’une mise à jour pour Microsoft ce mercredi 6 mars. Joaquin Almunia, le commissaire européen chargé de la concurrence, a ainsi infligé une amende de 561 millions d’euros à la firme de Redmond (Etats-Unis).

A l’origine de cette amende, qui porte à deux milliards d’euros les condamnations infligées par Bruxelles à Microsoft, nous retrouvons le débat qui avait animé les années 2000 et la fourniture systématique d’Internet Explorer, le navigateur internet de Microsoft, avec son système d’exploitation Windows. En ce début de siècle, la domination de Windows sur le marché des systèmes d’exploitation avait conduit la Commission européenne à ouvrir une enquête, suite à la plainte des éditeurs du navigateur concurrent norvégien Opéra, aux fins d’analyser l’impact de cette pratique sur la concurrence dans le marché intérieur. Fraîchement revenue des condamnations pour des faits similaires en raison de la fourniture de son lecteur multimédia Windows Media Player, le géant américain avait alors opté pour une négociation en douceur avec la Commission et promis, en 2009, de fournir pour une période de 5 ans, un écran lors de l’installation du système Windows, permettant aux utilisateurs de choisir leur navigateur préféré parmi Internet explorer et ses concurrents : Chrome, Safari, Firefox, Opera, etc.

Cette promesse solennelle, qui conditionnait l’arrêt des poursuites en Europe, fut mise en œuvre sans délai et était accompagnée par la remise d’un rapport annuel de Microsoft à la Commission. Moins de deux ans après cette promesse, lors de la sortie du Service Pack 1 de Windows 7 en février 2011, l’écran de choix de navigateurs avait néanmoins disparu. Microsoft invoque aujourd’hui l’erreur humaine de la part de ses programmeurs. Le courroux de la Commission a pour origine, selon toute évidence, le fait que les rapports annuels transmis par Microsoft à la Commission étaient restés inchangés, manifestant une continuité apparente dans le respect des engagements de la firme de Redmond.

Depuis 2004, la Commission européenne peut négocier des accords amiables avec les auteurs de pratiques anticoncurrentielles. Microsoft est le premier à avoir rompu ses engagements négociés. Nul doute que la Commission a voulu en faire un exemple et, au travers de sa fermeté, dissuader quiconque de se risquer à rompre ses promesses négociées à l’amiable.

La sanction que vient de prononcer la Commission a suivi une procédure relativement rapide. En effet, puisqu’elle est fondée sur la rupture par Microsoft de ses engagements, la décision de la Commission ne nécessitait pas d’ouvrir une nouvelle procédure d’infraction qui aurait nécessité une analyse économique et un examen nouveaux de la situation effective de Microsoft en 2011. Or, un tel réexamen aurait probablement été à l’avantage de Microsoft. La firme de Redmond est, certes, encore l’éditeur du système d’exploitation dominant sur le marché des ordinateurs. Mais elle a subi de plein fouet depuis 2010 la mutation du marché des logiciels de navigation embarqués dans les téléphones mobiles intelligents et les tablettes tactiles. Sur ces nouveaux terminaux et en Europe, Windows n’est plus en position dominante face à l’iOS d’Apple et l’Android de Google.

Avec plus de la moitié du marché des tablettes dans le monde, Apple et son Safari embarqué pourrait bien devenir la nouvelle cible d’une Commission européenne décidément tournée vers les géants américains sur tous les plans, qu’il s’agisse de concurrence, de fiscalité ou de vie privée. Hélas, ce que l’Europe a déjà perdu en compétitivité numérique, elle ne pourra le gagner en amendes bruxelloises, même très salées.

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