Analyse juridique des dispositifs de protection envisageables
Rapport réalisé par la FEVAD avec l’assistance du cabinet Morgan, Lewis & Bockius
1. Synthese des Propositions de la FEVAD
1.1. La nécessité d’adopter des mesures adaptées, efficaces et non discriminatoires
Le risque de disparition brutale d’une entreprise engagée par des obligations légales et contractuelles à l’égard d’un consommateur n’est pas l’apanage des entreprises de vente à distance, ni des entreprises françaises.
En conséquence, il est essentiel que les mesures de protection des consommateurs qui seraient prises contre le risque de cessation d’activité de VADistes français, ne pèse pas que sur ces derniers, au détriment de leur compétitivité face à leurs concurrents VADistes ou du commerce « physique » placés dans des situations comparables à l’égard des consommateurs français et situés dans ou hors de l’Union européenne.
Pour ces raisons, des mesures sectorielles et purement nationales ne peuvent être envisagées qu’au titre de recommandations déontologiques en faveur d’engagements individuels des professionnels pouvant y souscrire.
1.2. Prévenir les risques en amont
1.2.1. Évaluer les sociétés souhaitant encaisser des paiements par carte bancaire
La mise à disposition d’une entreprise du moyen de recueillir auprès du public des paiements par téléphone ou via un module de paiement électronique (site Internet fixe ou mobile) relève de la responsabilité et de l’obligation de vigilance des établissements bancaires.
Il conviendrait que ces derniers exercent pleinement et systématiquement leurs obligations réglementaires et prudentielles de connaissance de leurs clients et d’appréciation de la pérennité de l’activité de VADiste qu’ils envisagent de mener, avant de mettre à leur disposition des moyens de recueillir des paiements électroniques.
1.2.2. Suspendre l’activité des entreprises présentant un risque manifeste pour les consommateurs
Il conviendrait de prévenir les risques encourus par les consommateurs en cas de défaillance chronique d’une entreprise dans la conduite de ses activités et dans le respect de ses obligations à l’égard des consommateurs.
Dans cet esprit, il serait souhaitable que les entreprises qui, par leurs agissements ou leurs pratiques, laissent apparaître des difficultés ou des dysfonctionnements susceptibles d’avoir un impact sur la livraison finale des produits qui leur ont été commandés par des consommateurs, puissent faire l’objet d’une décision administrative destinée à éviter que ces entreprises ne recueillent des paiements auprès du public pour des produits qu’elles ne seront manifestement pas en mesure de livrer.
1.3. Informer et assister les consommateurs
1.3.1. L’information des consommateurs
Dans un souci de protection du consommateur, les VADistes faisant l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire devraient en informer les consommateurs par un communiqué clair et visible figurant sur la page d’accueil de leur site web marchand ou par un message d’information délivré via les supports de prise de commande par téléphone, afin :
- d’éviter que des consommateurs ne s’engagent dans une relation contractuelle avec un VADiste qui sera dans l’incapacité d’honorer ses engagements contractuels ;
- d’informer les consommateurs des voies de recours qui leur sont ouvertes, selon leur situation particulière, du fait de la procédure collective concernant le VADiste.
1.3.2. L’assistance des consommateurs dans l’exercice de leurs droits
Lorsque le montant de la commande a été débité après le jugement d’ouverture d’une procédure collective concernant le VADiste, le consommateur peut s’opposer auprès de sa banque au débit du chèque ou de carte de paiement.
Il conviendrait de prévoir, par voie réglementaire, la possibilité pour une banque de suspendre l’exécution des transactions qui lui sont présentées à compter du jugement d’ouverture concernant un vendeur, jusqu’à la preuve de la complète exécution par ce dernier de ses obligations contractuelles au profit des consommateurs.
1.4. Clarifier la protection des consommateurs par le Code Monétaire et Financier
L’article L.131-35 du Code monétaire et financier (ci-après, le « CMF« ) pour les chèques et l’article L.132-2 du CMF pour les cartes de paiement, prévoient que le consommateur a la possibilité de faire opposition au versement des sommes destinées à un vendeur en cas de « procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires« .
Il conviendrait de préciser par voie réglementaire ou de circulaire qu’en cas de procédure collective du vendeur, l’opposition formée par le consommateur peut porter tant sur l’opération de paiement (émission du chèque ou transaction par carte bancaire) intervenue dans le mois qui précède le jugement d’ouverture, que sur le débit effectif de ce paiement (son encaissement par le vendeur) intervenu après le jugement d’ouverture.
1.5. Reconnaître la protection des consommateurs dans le Code de Commerce
Les règles d’ordre public protégeant les consommateurs justifieraient de placer ces derniers au troisième rang des créanciers (après les salariés et l’administration fiscale) en cas de procédure collective concernant un vendeur.
Une modification simple et succincte du Code de commerce sur ce point présenterait l’intérêt d’être de portée générale et non discriminatoire, y compris au regard du droit communautaire.
1.6. Exclure les clauses de réserve de propriété dans les CGV
Par défaut, le consommateur est propriétaire des biens dès la conclusion du contrat de vente à distance avec le vendeur.
Lorsque la mise à disposition du bien est postérieure à l’acte d’achat, l’encaissement du solde du prix de la commande lors de l’expédition du bien ou de sa livraison effective a des effets équivalents à ceux d’une clause de réserve de propriété sans en avoir les inconvénients sur le statut juridique du consommateur en cas de procédure collective du vendeur.
Il conviendrait donc d’exclure les clauses de réserve de propriété des conditions générales de vente conclues avec les consommateurs, lorsque le débit de la commande intervient au plus tard au moment de l’expédition ou de la livraison effective de celle-ci.
1.7. Prévenir ou garantir le risque d’une procédure collective concernant le vendeur
Le consommateur peut se trouver lésé lorsque le jugement d’ouverture d’une procédure collective concernant le vendeur intervient après le débit de la commande et avant l’expédition de celle-ci au consommateur.
Pour éviter ce risque, la FEVAD envisage d’adopter deux nouvelles normes qui viendraient compléter la Charte Qualité de la vente à distance applicable à ses membres. Il serait ainsi envisageable, de façon alternative :
- soit de débiter lors de leur expédition les commandes payées comptant ;
- soit de fournir une garantie aux consommateurs leur assurant le remboursement intégral du montant de leur commande non livrable du fait d’une procédure collective concernant le vendeur.
1.7.1. Débiter lors de leur expédition les commandées payées comptant
Il s’agirait, pour cette première norme, de différer l’encaissement du montant de la commande au moment de l’expédition de celle-ci au consommateur. Ceci permettrait de réunir à un même moment la mise en expédition de la commande et l’encaissement de son montant, de sorte que le vendeur et le consommateur se seraient acquittés concomitamment de leurs obligations essentielles.
Les éléments déclencheurs de l’encaissement seraient la présence du produit en stock et le lancement du processus d’expédition : mise en colis et remise au transporteur.
Une telle mesure serait applicable lorsque le paiement et l’expédition complets de la commande de produits non personnalisés résultent respectivement d’une seule transaction par carte bancaire et d’une seule expédition.
Les conditions de mise en œuvre de cette mesure seraient clairement portées à la connaissance des consommateurs. En particulier, les consommateurs seraient informés, au plus tard au moment de leur commande, du moment auquel leur paiement par carte sera débité. Cette transparence serait un facteur supplémentaire de confiance et de choix des consommateurs, notamment dans leur comparaison des offres et pratiques des VADistes.
1.7.2. Fournir aux consommateurs une garantie gérée par un tiers
Pour les VADistes dont le modèle économique consiste à pratiquer le débit lors de prise de commande, la seconde norme proposée par la FEVAD consisterait à leur demander de fournir à leur choix une garantie extrinsèque prenant la forme d’une garantie financière ou d’une assurance.
Cette garantie couvrirait dans les deux cas la totalité de la commande du consommateur en cas de procédure collective du VADiste, incluant le montant réel des frais d’expédition et des frais de livraison dus par le vendeur au transporteur.
1.7.2.1. Une garantie financière
La garantie financière pourrait prendre la forme, par exemple, d’une garantie à première demande ou de la constitution d’un fonds de garantie. La garantie financière, notamment s’il s’agit d’une garantie bancaire à première demande, pourrait être préférée à l’assurance car sa mise en œuvre serait plus efficace et plus rapide.
En cas d’ouverture de procédure collective du vendeur, les sommes garanties seraient immédiatement mises par l’organisme garant à la disposition d’un mandataire ad hoc (bénéficiaire d’une garantie au nom et pour le compte des consommateurs) aux fins du remboursement du montant de leur commande aux consommateurs concernés.
1.7.2.2. Une assurance
Dans le cas de l’assurance, c’est un fonds de garantie qui pourrait percevoir pour le compte des consommateurs la somme versée par l’assureur.
L’application de ces nouvelles règles et normes professionnelles de protection des consommateurs permettrait, eu égard à leur large couverture, d’assurer un très haut niveau de protection de ces derniers face au risque de défaillance économique des entreprises françaises.
2. Introduction
2.1. L’encadrement législatif et réglementaire de la vente à distance
2.1.1. Un cadre juridique harmonisé et d’ordre public au sein de l’Union européenne
La vente à distance (ci-après la « VAD« ) de produits ou de services fait l’objet d’un encadrement juridique harmonisé au niveau communautaire qui s’impose aux vendeurs établis sur le territoire de l’Union européenne et est destiné à protéger les consommateurs.
L’harmonisation communautaire des règles nationales d’ordre public de protection des consommateurs permet l’existence du Marché Intérieur et la libre fourniture de prestations en son sein, ainsi que la circulation des produits et services vendus à distance par des entreprises établies dans un État de l’Union européenne à des consommateurs également situés dans l’Union européenne.
Au sein de l’Union européenne et en France, la responsabilité de plein droit du vendeur vis-à-vis du consommateur, y compris pour les défaillances des prestataires du vendeur, l’information préalable et complète du consommateur sur l’offre du vendeur et sur les prix avant la passation de la commande, la faculté discrétionnaire pour le consommateur de se rétracter à compter de sa commande de services ou de la livraison de produits, les facultés d’opposition aux débits résultant de l’utilisation du numéro de carte bancaire sans indication du code confidentiel (cas de la majorité des paiements par carte bancaire électroniques à distance), sont autant de dispositifs destinés à instaurer la confiance et la protection effective des consommateurs, par l’innocuité de la vente à distance pour le consommateur (résolution du contrat passé et remboursement intégral) ou par la garantie légale et contractuelle de la bonne exécution des obligations auxquelles le vendeur est engagé par la réglementation en vigueur et par le contrat qui le lie au consommateur.
D’aucuns peuvent aujourd’hui s’interroger sur la nature juridique du contrat de vente à distance « BtoC« 1)BtoC (Business to Consumer) : services proposés par des entreprises à des consommateurs. -comme, en droit social, sur celle du contrat de travail-, tant ses éléments essentiels résultent d’obligations légales et réglementaires : conditions de formation du contrat, description de la chose et composition du prix, garanties et responsabilités de plein droit du vendeur, conditions de résolution et de résiliation au bénéfice du consommateur, actions directes du consommateur à l’encontre du vendeur ou de l’un de ses prestataires, etc.
2.1.2. Hors de l’Union européenne
Lorsqu’un consommateur européen achète un produit à une entreprise située hors de l’Union européenne, la protection que lui garantissent le droit communautaire et les règles nationales d’ordre public qui en découlent, devient théorique du fait de la territorialité des législations et des juridictions (point 3.2.1 ci-dessous).
Seules les réglementations interbancaires internationales et nationales peuvent permettre au consommateur européen de s’opposer auprès de sa banque, dans les seuls cas prévus par ces réglementations, à un paiement effectué par carte bancaire à distance auprès d’un commerçant établi hors de l’Union européenne et d’en obtenir le remboursement en cas de non-respect par le commerçant extracommunautaire de ses engagements contractuels.
2.2. L’enjeu d’un renforcement de la protection des consommateurs pour la VAD
Malgré la protection du consommateur en matière de VAD organisée par la réglementation communautaire et les règles nationales d’ordre public en vigueur, les consommateurs ne sont pas spécifiquement protégés du risque de disparition du vendeur. En cas de liquidation judiciaire du vendeur, le consommateur n’est pas, à la différence du salarié du vendeur, un créancier privilégié.
L’intention de prévenir ce risque en France soulève, dès lors, une interrogation forte sur le caractère discriminatoire des mesures de protection qui seraient envisagées.
2.2.1. Un risque de discrimination sectorielle au détriment des acteurs de la VAD
Le risque de disparition brutale d’une entreprise engagée par des obligations légales et contractuelles à l’égard d’un consommateur n’est pas l’apanage des entreprises de vente à distance.
La liquidation judiciaire de la CAMIF a placé dans une situation identique les consommateurs qui avaient commandé un bien en magasin et ceux qui avaient commandé un bien par catalogue, par téléphone ou par Internet. Faute d’avoir été livrés de leur commande le 27 novembre 2008, les clients de la CAMIF concernés se sont vus opposer la liquidation judiciaire de l’entreprise à cette date, les privant indistinctement des produits et services commandés, de leur droit de rétractation ou de leur droit au remboursement.
2.2.2. Un risque de discrimination nationale au détriment des entreprises françaises
Le risque de disparition brutale d’une entreprise engagée par des obligations légales et contractuelles à l’égard d’un consommateur français n’est pas l’apanage des entreprises françaises.
Dès lors, le coût financier et organisationnel des mesures de protection des consommateurs qui seraient prises contre le risque de cessation d’activité des VADistes français, ne pèserait que sur ces derniers -et sur les éventuels gestionnaires externes de ce risque : banques et compagnies d’assurance), au détriment de leur compétitivité face à leurs concurrents situés dans et hors de l’Union européenne.
3. Caractéristiques de la Vente à Distance
3.1. Évolution et caractéristiques matérielles de la vente à distance
3.1.1. La VAD, une évolution des modes de commercialisation et de distribution
La réalisation d’opérations de VAD a été inaugurée dès 1871 par le grand magasin parisien « Au Bon Marché« , qui souhaitait étendre les canaux de distribution physique de ses produits au plus grand nombre de consommateurs possible. Ainsi, le premier modèle économique de la VAD a d’abord consisté en l’ajout d’un nouveau canal de diffusion à des commerces ayant déjà des établissements physiquement localisés à proximité des consommateurs.
Les VADistes, comme les vendeurs « physiques« , peuvent tour à tour revêtir les rôles de fabricant (vente directe du producteur aux acheteurs), de simple distributeur (le cas échéant, de produits sous leur propre marque) ou d’importateur, si l’approvisionnement se fait hors France ou si le VADiste situé à l’étranger décide de vendre sur le marché français.
La facilité relative de mise en place d’un canal de vente à distance grâce à l’essor des technologies de la communication a ensuite donné lieu à la création d’entreprises de vente à distance pure, n’ayant aucun établissement physique de vente.
Ainsi, l’avènement de l’Internet permit la dématérialisation complète de l’aspect « magasin » des vendeurs, ne nécessitant alors plus qu’un support de présentation de leurs offres, une logistique et un système d’acheminement des commandes jusqu’aux consommateurs. Ces nouveaux VADistes dématérialisés qui ne disposent que d’un point de vente en ligne, ont la particularité de pouvoir, en théorie, proposer leurs produits et services à destination de plusieurs pays en n’étant établis que dans un seul point du globe.
La VAD a donc su exploiter chaque nouveau mode de communication, du courrier postal au téléphone, en passant par le Minitel et jusqu’à l’Internet. L’essor du Marché Intérieur au sein de l’Union européenne a également favorisé la croissance de ce canal de distribution, qui a pu se développer à la faveur d’une harmonisation forte des réglementations applicables.
3.1.2. Un acteur en aval de la conclusion de la VAD : le transporteur
D’un point de vue fonctionnel, vente physique et VAD demeurent identiques, à la seule différence que, en lieu et place d’un déplacement du consommateur dans un lieu de vente pour prendre possession du bien qu’il souhaite acheter, ce dernier s’acquitte de frais de livraison pour que ce bien lui soit livré en un point donné.
En amont de la remise du bien au consommateur, le vendeur doit produire le bien ou le service ou s’approvisionner auprès d’un ou plusieurs fournisseurs. Cet approvisionnement peut se faire soit avant la conclusion de la vente avec un consommateur, soit après la conclusion de la vente, qui entraînera la commande par le vendeur du bien ou du service à un ou plusieurs fournisseurs et :
- sa remise au point de vente dans le cas de la vente physique, ou
- sa livraison au consommateur dans le cas de la VAD.
Ainsi, pour la VAD ou pour toute forme de vente pour laquelle la remise du produit n’est pas concomitante à la vente2)Par exemple, lorsqu’un vendeur « physique » propose un service de livraison à domicile ou propose à la vente des produits qu’il … Continue reading2, un acteur additionnel vient s’imbriquer entre le vendeur et le consommateur : le transporteur, chargé par le vendeur d’effectuer la remise du bien vendu.
3.2. Caractéristiques juridiques de la vente à distance
Le cadre européen harmonisé de la vente à distance de produits ou de services non financiers a été principalement établi par la Directive 97/7/CE du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (ci-après la « Directive VAD« ).
3.2.1. La loi applicable au contrat de vente à distance
La Directive VAD énonce (Considérant 2) que pour atteindre l’objectif communautaire de libre circulation des biens et des services (premier pilier de l’Union européenne), l’unification du régime juridique de la vente à distance implique, pour les consommateurs « de pouvoir accéder aux biens et services d’un autre Etat membre dans les mêmes conditions que la population de cet Etat« .
Tant la Directive VAD que le Code de la consommation français, omettent de mentionner le lieu d’établissement du vendeur. En ce sens, le Code de la consommation français s’applique nécessairement -mais pas seulement- aux ventes à distance nationales, conclues entre un vendeur et un consommateur tous deux situés sur le sol français.
3.2.1.1. Les ventes internationales à distance
Pour les ventes à distance conclues entre un vendeur et un consommateur de nationalités différentes, la Directive VAD et le Code de la consommation renvoient à la Convention de Rome 80/934/CEE du 19 juin 1980 (ci-après, la « Convention« ). L’article 3 de la Convention prévoit ainsi que « les parties sont libres de fixer le droit applicable au contrat de vente dans le contrat, sous réserve des dispositions plus favorables au consommateur dans son lieu de résidence« .
Le vendeur peut donc se trouver établi en tout point du monde et se placer librement sous le droit de son pays d’établissement, dans les limites des règles d’ordre public international existant dans l’État où les marchandises seront livrées. L’article 6 du Code civil prévoit en effet qu’on ne peut « déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs« . Cet ordre public vise la protection de la partie la plus faible, telle que le consommateur ou le non professionnel face au professionnel, le locataire face au bailleur, ou le salarié face à l’employeur.
Soit la loi précise son caractère d’ordre public, soit la jurisprudence au vu des pouvoirs des parties, le détermine.
3.2.1.2. Conséquences de l’ordre public de protection des consommateurs
Ni la Directive VAD ni le droit français ne remettent en cause le principe de la libre détermination par les parties de la loi applicable au contrat de vente. Toutefois, la Convention de Rome de 1980 précise que les règles d’ordre public de protection du consommateur existant dans le pays dans lequel est situé le consommateur, peuvent s’appliquer lorsque le contrat n’est pas conclu entre des professionnels, à charge pour le consommateur de se prévaloir de son droit national face à un vendeur qui serait établi dans un pays disposant de règles de protection du consommateur plus laxistes.
En dehors de ces cas, le législateur a laissé le contrat régir le droit applicable au contrat. Dans le silence du contrat sur la question de la loi applicable, A défaut, l’article 4.2 de la Convention prévoit qu’à défaut de stipulation contractuelle, la loi applicable sera celle du « pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s’il s’agit d’une société, association ou personne morale, son administration centrale. » Ainsi, conformément aux principes du droit international privé, la loi applicable « par défaut » est donc celle du vendeur, sous réserve qu’elle ne prive pas le consommateur de la protection que lui assurent les lois impératives de son pays.
L’applicabilité par défaut de la loi du pays d’établissement du vendeur témoigne d’un pragmatisme socio-économique afin d’adapter le droit à un monde des affaires dominé par les contrats d’adhésion et pour lesquels il est souhaitable d’unifier le droit à partir de la loi de son émetteur. Parmi les critères de détermination de la loi applicable qui étaient disponibles, « la Convention a retenu celui qui est mieux adapté à une époque de contrats de masse« 3)Jean-Michel Jacquet – Le contrat international – Connaissance du droit – Dalloz, p. 50.. Cette interprétation est également en harmonie avec le principe posé par l’article 3 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 applicable aux ventes internationales d’objets mobiliers corporels, qui dispose que ce type de vente est régi « par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande« , cette présomption cédant devant la loi de la résidence habituelle de l’acheteur « si c’est dans ce pays que la commande a été reçue« .
3.2.1.2.1. Lorsque le vendeur est situé hors de l’Union européenne
La règlementation française de protection du consommateur (notamment les articles L. 121- 16 et suivants du Code de la Consommation) a été élevée au rang de « loi de police » s’imposant au juge français lorsque le vendeur est établi hors de l’Union européenne. Ainsi, l’article L. 121-20-15 C. Cons prévoit que lorsque les parties ont choisi la loi d’un État non membre de la Communauté européenne, le juge français est tenu d’appliquer la législation française.
3.2.1.2.2. Lorsque le vendeur est situé dans l’Union européenne
Au sein de l’Union européenne, les législations communautaire et française exigent des vendeurs à distance d’informer le consommateur sur l’identité complète du vendeur, les caractéristiques du produit ou du service vendu, les conditions générales de vente -incluant le délai de renonciation ou de rétractation de 7 jours- et les droits du consommateur. Cette obligation d’information vise essentiellement à permettre au consommateur d’évaluer le sérieux de l’entreprise vendeuse, la nature et la qualité du produit ou du service proposé et la portée de son engagement contractuel, alors que les parties ne sont pas face à face.
En outre, pour pallier la volatilité inhérente aux transactions numériques, le législateur français a, dans la Loi 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, exigé que ces informations soient mises à disposition du consommateur soit par écrit, soit sur un support durable, c’est-à-dire sur un support électronique apte à la conservation ou à tout le moins imprimable par le consommateur.
Enfin, la protection du consommateur lors d’opérations de vente à distance se présente sous la forme d’un droit spécifique de renonciation (démarchage) ou de rétractation (VAD) existant en France pour les produits depuis 1988. Il donne au consommateur la possibilité de refuser, de façon discrétionnaire, le produit qu’il a reçu, dans un délai de sept jours à compter de la livraison, sauf pour certains produits et services spécifiques4)Le droit de rétractation ne s’applique pas (Article L. 121-20-2 C. Cons.) à la fourniture de services dont l’exécution a commencé, de … Continue reading.
3.2.2. La formation du contrat de vente à distance
3.2.2.1. Un principe de non-discrimination entre les canaux de ventes
Le cadre juridique de la vente à distance complète le régime général de la vente de produits ou de services avec des dispositions adaptées aux spécificités de la VAD. Au demeurant, tant la Directive VAD que les Codes de la consommation et civil français, ne distinguent la vente « physique » de la VAD, qu’au travers d’un formalisme renforcé pour la VAD à même de protéger le consommateur.
3.2.2.2. Définition de la VAD
La VAD est définie par le droit communautaire comme « tout contrat concernant des biens ou services conclu entre un fournisseur et un consommateur dans le cadre d’un système de vente ou de prestations de services à distance organisé par le fournisseur, qui, pour ce contrat, utilise exclusivement une ou plusieurs techniques jusqu’à la conclusion du contrat, y compris la conclusion du contrat elle-même » et « qui, sans présence physique et simultanée du fournisseur et du consommateur, peuvent être utilisées pour la conclusion du contrat entre ces parties« 5)Article 2-1° et 4° de la Directive VAD.. Au niveau français, cette définition a été transposée à l’identique par l’ordonnance n°2001-741 du 23 août 2001 et codifiée à l’article L. 121-16 du Code de le Consommation.
Ces définitions présentent l’avantage d’englober tout les canaux de distribution à distance des produits et services, indépendamment des évolutions technologiques susceptibles d’affecter les modes de communication à distance, avec certains éclaircissements apportés par la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.
3.2.2.3. Le moment de la formation du contrat de VAD
En l’absence de dérogation au cadre juridique général de la vente, la VAD ne saurait être différenciée de la vente physique. Ceci est particulièrement valable en ce qui concerne les mécanismes de formation du contrat de vente, caractérisée par son consensualisme. Le contrat de VAD se forme donc par la rencontre des consentements en des lieux et des instants différents, mais portant sur un même objet.
Ainsi, l’article 1583 du Code civil dispose que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique que la chose n’est pas encore été livrée ni le prix payé« .
La VAD se caractérise par une offre ponctuelle ou permanente au travers d’un catalogue, sous forme papier, par téléphone, sur support audiovisuel ou électronique. Dans le cas de la vente par correspondance sur support écrit (catalogue, site Internet), le support doit mentionner la période de validité des offres, ainsi que, le cas échéant, une réserve sur le fait que la vente ne pourra être conclue que jusqu’à épuisement des stocks disponibles.
En application du droit communautaire et du droit français, le contrat de VAD est valablement formé lors de la confirmation par le vendeur de la prise en compte de la commande effectuée par le consommateur (qui a accepté l’offre du vendeur), comme le prévoit l’article 1369-5 du Code civil.
3.2.3. Les conséquences de la formation du contrat à distance
3.2.3.1. Le transfert au consommateur de la propriété de sa commande
3.2.3.1.1. Principe : la propriété est transférée au consommateur dès la commande
Dans le cadre d’un contrat de vente à distance, comme dans tout contrat de vente régi par le droit civil, le consommateur devient propriétaire des biens et services objets de sa commande, au moment de la formation du contrat. Ces biens ou services sortent du patrimoine du vendeur pour entrer dans celui de l’acheteur.
L’acheteur détient alors une créance de livraison de sa commande à l’encontre du vendeur.
3.2.3.1.2. Exception : les clauses de réserve de propriété
Le transfert de propriété des biens et services constituant la commande du consommateur et la vente peut être retardé par l’effet d’une clause de réserve de propriété insérée dans les conditions générales de vente du VADiste. Cette exception au transfert immédiat de la propriété de la commande dès la commande, peut valoir soit jusqu’au complet paiement du prix de la commande (bien ou produit + frais de livraison) ou, le cas échéant, au moment de la remise du bien entre les mains du consommateur acquéreur.
Ainsi, les clauses de réserve de propriété sont parfois utilisées pour les commandes faisant l’objet d’un paiement contre remboursement, pour lequel le paiement est différé jusqu’à la réception du bien par le consommateur. Le transfert de propriété ne s’opérera qu’au moment de la livraison et du paiement concomitant de la commande.
3.2.3.2. Le transfert des risques
3.2.3.2.1. Principes du droit civil
En droit civil, le transfert de propriété et le transfert des risques attachés aux biens sont concomitants. Dès lors, le consommateur supporte les risques sur la chose vendue (sauf clause de réserve de propriété décalant également le transfert des risques), dont il n’est pas encore possesseur tant qu’elle ne lui a pas été livrée. Le risque le plus notable en matière de VAD réside dans la perte de l’objet lors du transport entre le VADiste et le consommateur.
3.2.3.2.2. La responsabilité de plein droit du vendeur à distance
Le législateur français a déjà pris en considération la protection du consommateur lors de l’adoption de la Loi sur la Confiance dans l’Économie Numérique (ci-après, la « LCEN« ), et plus particulièrement dans une disposition codifiée à l’article L. 121-20-3 al. 4 C. Cons, qui insère une disposition essentielle favorable au consommateur : « Le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.«
Les seules possibilités d’exonération sont fixées à l’alinéa suivant du même article qui dispose que le VADiste « peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit au consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers au contrat, soit à un cas de force majeure.«
3.2.3.2.3. Application jurisprudentielle
Cette responsabilité de plein droit a été récemment illustrée dans un arrêt du 13 novembre 20086)Cass. 1ère Civ., 13 novembre 2008, n°T 07-14856, Sté SLG c/ Rima M. : JurisData n°2008-045782, dans lequel il a été jugé que le transporteur ne pouvait pas être considéré comme « tiers au contrat » de vente. Dès lors, le VADiste ne peut s’exonérer de sa responsabilité contractuelle en cas de perte ou détérioration de la chose au cours du transport qu’en cas d’imputabilité de la faute au consommateur ou en cas de force majeure.
3.2.4. La nature du contrat de vente à distance
3.2.4.1. Le droit de rétractation, condition résolutoire du contrat de vente à distance
Le contrat de vente à distance confère au consommateur, selon l’article L. 121-20 du Code de la consommation, un droit de rétractation de la vente d’une durée de sept jours à compter de la réception du bien ou de la passation de la commande pour les services, et ce, sans justification ni pénalités.
Dans tous les cas où le consommateur dispose d’un droit de rétractation de sa commande sans faute du vendeur, le contrat de VAD doit donc s’analyser comme une vente soumise à une condition résolutoire.
Le contrat de vente à distance est formé dès la confirmation par le vendeur de la commande du consommateur, mais si intervient la condition résolutoire, qui consiste en ce que le client exerce son droit de rétractation dans le délai de sept jours, la vente sera résolue rétroactivement : le consommateur devra alors restituer les produits et le vendeur rembourser au consommateur, à réception de ceux-ci, le prix intégral de la commande.
3.2.4.2. Le droit de rétractation est distinct du droit de réflexion
Le droit de rétractation se distingue du droit de réflexion prévu en matière de crédit immobilier (article L. 312-1 à L. 312-36 du Code de la consommation) ou de démarchage (article L. 121-21 à L. 121-33 du Code de la consommation). En effet, ces délais de réflexion assortissent la vente d’une condition cette fois suspensive. Ainsi le contrat ne sera formé et parfait qu’à l’écoulement de ce délai de réflexion et ce de façon rétroactive.
3.2.4.3. Le droit de rétractation est distinct du droit de résiliation
Le droit de rétractation se distingue également des facultés offertes au consommateur de résilier la vente lorsque les biens livrés ou les services fournis ne sont pas conformes à ceux commandés ou lorsque le vendeur manque à son obligation de livrer la commande durant plus de 30 jours après la date de livraison qui avait été indiquée par le vendeur au consommateur lors de la commande.
4. Procedures Collectives et Recours du Consommateur
4.1. Les hypothèses étudiées
Les conséquences pour le consommateur d’un jugement d’ouverture d’une procédure collective concernant le vendeur (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), dépendent du moment auquel est prononcé le jugement d’ouverture par rapport au stade d’exécution du contrat de vente à distance. De manière générale, le jugement d’ouverture d’une procédure collective a pour effet principal de figer la situation de l’entreprise au jour de son prononcé. Schématiquement, le jugement d’ouverture peut intervenir aux étapes suivantes.
- (J0) avant la commande ;
- (J1) après la commande et le paiement, mais avant le débit du montant de la commande ;
- (J2) après la commande et le débit du montant, mais avant la livraison ;
- (J3) après la commande, le débit et la livraison, mais avant l’exercice du droit de rétractation ou l’expiration du délai de rétractation ;
- (J4) après la commande, le débit, mais avant l’exercice par le consommateur de son droit d’annuler sa commande non livrée ;
- (J5) après la commande, le débit et l’extinction du droit pour le consommateur d’annuler sa commande.
4.2. La commande intervient après le jugement d’ouverture (J.0)
4.2.1. Le statut de la créance du consommateur
La créance du consommateur, postérieure au jugement d’ouverture et jugée utile à l’activité de l’entreprise par le mandataire judiciaire du VADiste en cas de procédure de sauvegarde de ce dernier, confère au consommateur un statut de créancier privilégié.
A ce statut, s’ajoutent les règles protectrices du consommateur décrites ci-dessous, lui permettant de faire opposition auprès de sa banque, sans motif ou en cas de défaillance du vendeur dans l’exécution de l’ensemble de ses obligations, au chèque ou à la carte bancaire débités après le jugement d’ouverture.
En conséquence, l’information du consommateur sur l’intervention d’un jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ne paraît pas appropriée, dans la mesure où elle signerait l’arrêt de mort de l’entreprise et contreviendrait à la décision du mandataire judiciaire du vendeur de poursuivre les activités de ce dernier auprès des consommateurs.
4.2.2. Propositions de la FEVAD
4.2.2.1. En cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire
Dans un souci de protection du consommateur, les VADistes faisant l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire pourraient être tenus d’en informer les consommateurs par un communiqué clair et visible figurant sur la page d’accueil de leur site web ou par un message d’information délivré par les supports de prise de commande par téléphone, afin d’éviter que les consommateurs ne s’engagent dans une relation contractuelle avec un VADiste insusceptible d’honorer ses engagements contractuels.
En tout état de cause, les consommateurs passant des commandes après un jugement d’ouverture, bénéficient des protections garanties par le droit bancaire et décrites ci-dessous.
4.2.2.2. En cas de procédure de sauvegarde du VADiste
L’information des consommateurs sur l’intervention du jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ne paraît pas appropriée, dans la mesure où elle signerait l’arrêt de mort de l’entreprise et contreviendrait à la décision du mandataire judiciaire du vendeur de poursuivre les activités de ce dernier auprès des consommateurs.
4.3. Le débit de la commande intervient après le jugement d’ouverture (J.1)
4.3.1. Réglementation bancaire applicable
Conformément à l’article L.131-35 du Code monétaire et financier (ci-après, le « CMF« ) pour les chèques et l’article L.132-2 du CMF pour les cartes de paiement, le consommateur a la possibilité de faire opposition au versement des sommes destinées à un vendeur en cas de « procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires« .
4.3.2. Jurisprudence
Les juridictions françaises ont interprété de longue date et de manière constante les dispositions de l’article L.131-35 du CMF relatives à l’opposition au paiement d’un chèque, en distinguant le moment de l’émission du moyen de paiement (le chèque) et le moment de l’entrée effective des sommes dans le patrimoine du bénéficiaire (l’encaissement du chèque).
Le peu de jurisprudence relative au régime de l’opposition à une carte bancaire s’explique notamment par la concomitance -habituellement- entre l’opération d’émission du paiement par carte et l’opération de débit du titulaire de la carte, concomitance qui ne peut exister pour les règlements par chèque.
4.3.3. Conséquences protectrices du consommateur
Lorsque l’encaissement du chèque ou du paiement par carte entre dans le patrimoine du vendeur après le jour du jugement d’ouverture, la publicité du jugement fait présumer la connaissance de la situation du vendeur par le consommateur, qui est alors en mesure de s’opposer au versement du paiement par chèque ou par carte.
En tout état de cause, dans la mesure où le débit intervient postérieurement au jugement d’ouverture, le consommateur dispose d’un recours direct auprès de sa banque pour s’opposer au -et obtenir de sa banque le remboursement du- paiement d’un bien ou d’un service dont la livraison est devenue incertaine en raison de la situation du vendeur.
4.3.4. Analyse critique
Bien qu’elles soient tenues de rembourser au consommateur les montants encaissés par le vendeur après le jugement d’ouverture, certaines banques peuvent facturer au consommateur des frais relatifs à l’opposition qu’il exerce. En outre, s’agissant des cartes de paiement, l’opposition exercée par le consommateur porte sur la carte elle-même et non sur une transaction effectuée avec celle-ci.
En conséquence, le consommateur ne pourra plus utiliser la carte de paiement pour laquelle il a formé une opposition auprès de sa banque, même si cette opposition est motivée par la procédure collective du vendeur et non par une utilisation frauduleuse de la carte de paiement par un tiers.
4.3.5. Propositions de la FEVAD
Une plus grande sécurité du consommateur pourrait être instaurée par voie réglementaire (décret ou circulaire), à défaut de l’être par voie jurisprudentielle, en clarifiant les dispositions actuelles du CMF.
Les propositions de la FEVAD sur ce point présentent l’avantage d’être non discriminatoires, puisqu’elles permettent une protection des consommateurs sans distinguer si le vendeur qui fait l’objet d’une procédure collective est un VADiste ou un vendeur « physique« .
4.3.5.1. Clarifier le périmètre de l’opposition du consommateur
Il s’agirait de préciser qu’en cas de procédure collective du bénéficiaire du paiement, l’opposition formée par le consommateur peut porter tant sur l’opération de paiement (émission du chèque ou transaction par carte bancaire) intervenue dans le mois qui précède le jugement d’ouverture, que sur le débit effectif de ce paiement, c’est à dire l’encaissement par le vendeur intervenu après le jugement d’ouverture.
4.3.5.2. Suspendre les encaissements bancaires jusqu’à l’exécution du contrat
Il s’agirait de prévoir, par voie réglementaire, la possibilité pour une banque :
- de satisfaire les demandes d’oppositions qui lui sont présentées et qui portent sur des paiements effectués au bénéfice du vendeur au cours des 30 jours précédent le jugement d’ouverture et ;
- de suspendre l’exécution des transactions qui lui sont présentées à compter du jugement d’ouverture et bénéficiant à l’entreprise qui fait l’objet dudit jugement, jusqu’à la complète exécution par le vendeur de ses obligations contractuelles au profit des consommateurs. Dans ce cas, il appartiendrait alors au vendeur faisant l’objet d’une procédure collective :
- d’attester auprès de la banque de la livraison effective des commandes des consommateurs placés dans la présente hypothèse.
- Le cas échéant, la banque pourrait régler au vendeur le montant de la commande dûment exécutée, à défaut d’opposition exercée par le consommateur ; ou
- de confirmer à la banque son incapacité à honorer les commandes (livrer) des consommateurs. Le vendeur renoncerait ainsi auprès de la banque à encaisser le montant de ces commandes. Le cas échéant, le consommateur ne serait pas débité, sans qu’il ait eu à prendre l’initiative de former une opposition auprès de sa banque.
4.4. Le jugement d’ouverture intervient après le débit et avant la livraison (J2)
Lorsque l’encaissement du chèque ou du paiement par carte entre dans le patrimoine du vendeur avant le jour du jugement d’ouverture, les sommes sont intégrées à l’actif disponible de l’entreprise en difficulté et ne peuvent en ressortir que sous certaines conditions restrictives. Plusieurs hypothèses peuvent être analysées.
4.4.1. Les biens ne sont pas disponibles dans les stocks du VADiste
Si le montant de la commande a été débité, ne serait-ce que partiellement, l’indisponibilité du bien dans les stocks du VADiste nécessite un réapprovisionnement auprès du fournisseur du VADiste, susceptible d’augmenter le délai de livraison initialement indiqué au consommateur lors de la commande.
Dans la mesure où le jugement d’ouverture tend à figer la situation patrimoniale de l’entreprise en difficultés, il n’est pas garanti que tous les réapprovisionnements nécessaires seront effectués (accord du mandataire légal, réticences des fournisseurs…).
4.4.1.1. Le droit de la consommation à l’épreuve du droit des sociétés
La transposition en droit français de plusieurs Directives communautaires portant sur une harmonisation et une adaptation du droit de la consommation par l’ordonnance n°2001-741 du 23 août 2001 a organisé une protection du consommateur à l’égard des VADistes peu scrupuleux.
Ainsi, l’article L. 121-20-3 al. 2 C. Cons. prévoit qu’en cas de défaut d’exécution du contrat par le VADiste « résultant de l’indisponibilité du bien ou du service commandé, le consommateur doit être informé de cette indisponibilité et doit, le cas échéant, pouvoir être remboursé sans délai et au plus tard dans les trente jours du paiement des sommes qu’il a versées.«
Si une certaine harmonisation du droit de la consommation a été opérée au niveau européen, il demeure qu’au niveau français, la volonté de protection des consommateurs se heurte à d’autres dispositions légales à même de les neutraliser.
En conséquence, bien que le remboursement de la créance du consommateur détenue sur le VADiste en difficulté soit de plein droit, le rang de créancier chirographaire du consommateur (5ème et dernier rang) lui laisse peu d’espoirs de voir son droit au remboursement satisfait.
4.4.1.2. Propositions de la FEVAD
4.4.1.2.1. Une modification du droit des procédures collectives
Afin de donner une pleine efficacité à l’article L. 121-20-3 al. 2 C. Cons., les articles L. 622- 17-II (sauvegarde et redressement) et L. 641-13-III (liquidation) du Code de commerce pourraient être modifiés afin d’inclure, au troisième rang des créances, celles revendiquées par des consommateurs en vertu d’une disposition légale d’ordre public, en l’occurrence l’article L. 121-20-3 al. 2 C. Cons.
L’aménagement des articles L. 622-17-II (sauvegarde et redressement) et L. 641-13-III (liquidation) du Code de commerce pourrait être le suivant (modification entre crochets ci- dessous) :
« Leur paiement se fait dans l’ordre suivant :
- Les créances de salaires dont le montant n’a pas été avancé en application des articles L. 143-11-1 à L. 143-11-3 du code du travail ;
- Les frais de justice ;
- Les prêts consentis ainsi que les créances [revendiquées par les consommateurs en application d’une disposition d’ordre public et celles] résultant de l’exécution des contrats poursuivis conformément aux dispositions de l’article L. 622-13 et dont le cocontractant accepte de recevoir un paiement différé ; ces prêts et délais de paiement sont autorisés par le juge-commissaire dans la limite nécessaire à la poursuite de l’activité pendant la période d’observation et font l’objet d’une publicité. En cas de résiliation d’un contrat régulièrement poursuivi, les indemnités et pénalités sont exclues du bénéfice du présent article ;
- Les sommes dont le montant a été avancé en application du 3° de l’article L. 143-11-1 du code du travail ;
- Les autres créances, selon leur rang.«
4.4.1.2.2. L’encaissement du prix de la commande lors de l’expédition
La FEVAD envisage d’adopter une première norme qui viendrait compléter la Charte Qualité de la vente à distance applicables à ses membres et aurait pour objet de différer l’encaissement du paiement de la commande au moment de l’expédition de celle-ci au consommateur.
Une telle mesure serait applicable lorsque le paiement et l’expédition complets de la commande résultent respectivement d’une transaction par carte bancaire et d’une expédition, ce qui représente une très forte proportion des opérations de vente à distance passées par les consommateurs français.
Ces critères stables permettraient de réunir à une date unique le règlement et la livraison de la commande, de sorte que le vendeur et le consommateur se seraient acquittés de leurs obligations essentielles concomitamment, écartant ainsi le risque que l’ouverture d’une procédure collective ne vienne interrompre l’exécution par le vendeur de ses obligations contractuelles, alors que le consommateur aurait exécuté les siennes.
L’encaissement différé du paiement effectué par carte interviendrait dans les limites de délai et de garantie de traitement de la transaction bancaire permises par le contrat de paiement électronique liant le vendeur à sa banque ou à son prestataire de paiement électronique.
Ces limites de délai, qui varient selon les banques concernées, sont d’ordre technique et contractuel. Elles ne sont pas maîtrisables par les vendeurs à distance puisqu’elles résultent :
- des règles d’interbancarité et de sécurité des paiements par carte portant sur des ventes à distance, fixées par le GIE Cartes Bancaires[ref}Contrat d’acceptation des cartes « CB » ou agréées « CB » en paiement à distance sécurisé (version 2 du 2 juin 2006 amendée le 3 novembre 2008).[/ref] ; et
- du contrat d’adhésion souscrit par le VADiste avec sa banque, dont les clauses obligatoires, incluant celles relatives à la durée du différé entre un paiement et sa transmission pour encaissement, sont fixées par le GIE carte bancaire.
La mesure proposée ne pourrait pas être mise en œuvre lorsque le paiement de la commande résulte de plusieurs versements, ou que le délai s’écoulant entre la date de la transaction bancaire et celle de l’expédition de la commande dépasse la durée permise par le contrat de paiement électronique souscrit par le VADiste pour différer l’encaissement du paiement. Enfin, cette mesure ne pourrait s’appliquer aux commandes spéciales (produits conçus spécialement pour le consommateur) ou faisant l’objet d’un paiement par chèque, lequel doit être encaissé pour permettre de vérifier l’authenticité du moyen de paiement et l’absence d’opposition à son utilisation.
Les conditions de mise en œuvre de cette mesure seraient clairement portées à la connaissance des consommateurs. En outre, ces derniers seraient informés, au plus tard au moment de leur commande, de la date à laquelle leur paiement par carte sera débité. Cette transparence serait un facteur supplémentaire de confiance et de choix des consommateurs, notamment dans leur comparaison des offres et pratiques des VADistes.
4.4.1.2.3. Une garantie fournie par un tiers portant sur le montant de la commande non livrable
Pour les situations dans lesquelles le débit à l’expédition ne pourrait être envisagé ou ne serait pas pratiqué par le vendeur, la FEVAD étudie actuellement une seconde norme concernant la possibilité pour le vendeur :
- de proposer au consommateur de souscrire une assurance couvrant le montant intégral de sa commande ; ou
- de mettre en œuvre lui-même un mécanisme de garantie ou d’assurance couvrant ce montant, dans les cas où la procédure collective concernant le vendeur et l’indisponibilité des produits commandés rendraient impossible leur livraison.
Ce second mécanisme de garantie ou d’assurance pourrait prendre des formes diverses, dès lors qu’il satisferait l’objectif poursuivi : une garantie bancaire à première demande dont la gestion serait confiée à un mandataire ad hoc, un fonds de garantie ou d’assurance couvrant le montant des encours de commande à livrer, etc.
Un tel mécanisme de garantie ou d’assurance portant sur le montant intégral de la commande, quelles qu’en soient les modalités, n’aurait vocation à intervenir que dans l’hypothèse d’un jugement d’ouverture d’une procédure collective concernant le vendeur, interdisant au consommateur de prendre possession de la commande qu’il a passée.
En outre, ce dispositif de protection étant extérieur à l’entreprise, il présenterait l’intérêt pour les consommateurs d’être traités en dehors de la masse des créanciers lors de la procédure collective du vendeur. Le consommateur-créancier n’aurait pas ainsi à produire sa créance au passif de l’entreprise du vendeur, objet de la procédure.
Plus précisément, un tel mécanisme aurait, en conséquence, vocation à intervenir dans l’hypothèse visée au présent point 4.4, dans les conditions cumulatives suivantes, non couvertes par d’autres solutions également protectrices du consommateur :
- l’encaissement par le vendeur du montant de la commande est intervenu avant le jugement d’ouverture et ;
- les biens n’ont pas été livrés et ne sont pas en possession du vendeur, ce qui interdit au consommateur le bénéfice d’une action en revendication, décrite au point 4.4.2.1 ci-dessous et ;
- les biens sont en possession d’un transporteur non réglé par le vendeur et dont la prestation de livraison ne fait l’objet d’aucune autre assurance au bénéfice du consommateur (point 4.4.3.2 ci-dessous) ;
La FEVAD pourrait encourager les consommateurs à vérifier si le vendeur a organisé un tel mécanisme de garantie ou leur propose une assurance équivalente.
4.4.2. Les biens sont en possession du VADiste
A défaut de clause réserve de propriété dans les conditions générales qui gouvernent la relation entre le consommateur et le vendeur, la propriété du bien est acquise par le consommateur dès la conclusion de la vente (point 3.2.3.1 ci-dessus), c’est-à-dire lors de la confirmation par le vendeur de la commande auprès du consommateur.
4.4.2.1. Le consommateur peut revendiquer les biens qu’il a commandés et payés
Afin de protéger les propriétaires légitimes de biens qui, matériellement, se trouvent en possession de l’entreprise en difficultés, le cadre juridique des procédures collectives a prévu un mécanisme d’action en revendications des biens meubles en possession de l’entreprise en difficulté, qui s’exerce en deux étapes :
- une demande en acquiescement de revendication dans un premier temps, adressée par le consommateur au mandataire social ou judiciaire du vendeur dans les trois mois de la publication du jugement d’ouverture (article L. 624-9 du C. Com.) ; puis
- en l’absence d’accord implicite ou explicite du vendeur ou de son représentant sur la demande amiable formée par le consommateur, une requête en revendication devant le juge commissaire.
L’issue favorable de cette procédure à la première ou la seconde étape, permet de reconnaître le droit de propriété du consommateur, qui devient opposable à la procédure collective, même en l’absence de tout privilège de rang pour le consommateur. Ainsi, une fois l’acquiescement acquis ou l’ordonnance du juge commissaire rendue et dans la mesure où le bien peut être localisé, le consommateur peut récupérer le bien, soit en allant le chercher lui-même, soit en s’acquittant de frais d’envoi ou d’acheminement du bien jusqu’à lui.
4.4.2.2. Propositions de la FEVAD
Afin d’assurer la protection du consommateur indépendamment du canal de vente du bien considéré, les mesures suivantes pourraient être envisagées.
1. Limiter les cas dans lesquels une clause de réserve de propriété pourrait être insérée dans le contrat conclu entre le vendeur et le consommateur.
En pratique, lorsque la mise à disposition du bien est postérieure à l’acte d’achat, l’encaissement du solde du prix de la commande lors de l’expédition du bien ou de sa livraison effective, ont des effets équivalents à celui d’une clause de réserve de propriété sans en avoir les inconvénients sur le statut juridique du consommateur en cas de procédure collective du vendeur.
Dans l’hypothèse d’une procédure collective du vendeur, le consommateur pourra revendiquer les biens dont il est propriétaire depuis la commande.
2. Limiter les cas dans lesquels une clause de réserve de propriété insérée dans un contrat conclu entre le vendeur et l’un de ses prestataires, serait opposable par ce dernier au consommateur.
Il s’agit ici d’éviter qu’une telle clause de réserve de propriété conclue entre le vendeur et un tiers ne prive d’effets les dispositions de l’article L. 121-20-3 al. 2 C. Cons. (point 3.2.3.2.2 ci-dessus), qui garantit au consommateur un droit de recours direct à l’encontre des prestataires du vendeur.
Ainsi, le consommateur ne pourrait voir son action en revendication échouer au motif d’une clause de réserve de propriété bénéficiant à un prestataire du vendeur et qui serait venue contredire le droit de propriété du consommateur.
3. Simplifier les procédures de demande d’acquiescement en revendication et de revendication au bénéfice des consommateurs. Cette simplification pourrait s’accompagner d’une information des consommateurs par le VADiste sur les voies de recours qui leur sont ouvertes, en distinguant les différentes situations dans lesquelles ils peuvent se trouver.
4. Dans l’hypothèse où ni le vendeur ni un tiers ne viendraient opposer au consommateur une réserve de propriété le privant de la qualité de propriétaire des biens concernés et où le consommateur aurait exercé avec succès son droit de revendication, un mécanisme de garantie ou d’assurance des frais d’expédition des biens pourrait intervenir dans les conditions cumulatives suivantes :
- un jugement d’ouverture d’une procédure collective a été rendu à l’égard du vendeur ;
- le montant de la commande a été intégralement réglé par le consommateur -frais de livraison inclus- et encaissé par le vendeur avant le jugement d’ouverture ; et
- les biens du consommateur ne lui ont pas été livrés par le VADiste, qui est dans l’incapacité financière de régler à un transporteur le prix de leur livraison.
Ce mécanisme de garantie ou d’assurance pourrait être envisagé dans les situations pour lesquelles le débit à l’expédition ne pourrait être envisagé.
Le cas échéant, il pourrait prendre des formes diverses, dès lors qu’il satisferait l’objectif poursuivi : une garantie bancaire à première demande dont la gestion est confiée à un mandataire ad hoc, un fonds de garantie couvrant le montant des frais d’expédition, etc. Un tel mécanisme de garantie porterait sur le montant réel des frais d’expédition et des frais de livraison dus par le vendeur au transporteur et non sur le montant des frais de livraison facturés par le vendeur au consommateur lors de la commande, si ces deux montants sont différents.
4.4.3. Les biens sont en possession du transporteur
Un aménagement de la situation de certains prestataires de l’entreprise en difficulté a été apporté au travers du droit de rétention (Article L. 133-7 du C. Com.) qui permet aux transporteurs, titulaires d’un privilège sur la valeur des marchandises, de conserver ces biens qui leur ont été remis et pour le transport desquels ils n’ont pas été payés par le vendeur. Ce droit de rétention du transporteur n’induit aucune contestation du droit de propriété susceptible d’être détenu par l’entreprise en difficulté (le vendeur), par un autre prestataire de celle-ci ou par le consommateur.
4.4.3.1. État de la réglementation en vigueur
En l’état de la réglementation en vigueur, le transporteur non réglé par le vendeur est donc en droit d’exiger du consommateur, pour effectuer la livraison attendue par ce dernier, le paiement de ladite livraison, au tarif du transporteur, alors même que le consommateur s’était déjà acquitté auprès du vendeur de frais de livraison lors de sa commande qui, en pratique, peuvent être différents de (parfois inférieurs à) ceux effectivement dus par le vendeur au transporteur.
Ce droit de rétention du transporteur ne constitue pas un droit d’action directe du transporteur à l’encontre du consommateur qui aurait été livré de sa commande, livraison pour laquelle le transporteur n’aurait pas été réglé par le vendeur. En conséquence, les démarches de recouvrement entreprises par certains transporteurs à l’encontre de consommateurs de la CAMIF qui avaient été livrés de leur commande malgré la liquidation judiciaire de cette dernière, sont juridiquement infondées.
En l’état du droit, le consommateur non livré de sa commande dispose d’un choix parmi deux solutions :
- payer les frais de livraison demandés par le transporteur afin de recevoir les biens commandés et payés au vendeur ; ou
- prendre le risque de perdre le montant intégral de sa commande, en ce compris les frais de livraison et les biens composant sa commande, si l’administrateur judiciaire ou le mandataire liquidateur de l’entreprise ne dispose pas des fonds suffisants pour rembourser au consommateur le montant de la commande annulée (droit de rétractation) ou résiliée par le consommateur.
4.4.3.2. Propositions de la FEVAD
Pour les situations dans lesquelles le débit à l’expédition ne pourrait être envisagé, une solution serait alors de mettre en place un mécanisme de garantie ou d’assurance des frais d’expédition des biens intervenant dans les conditions cumulatives suivantes :
- un jugement d’ouverture d’une procédure collective a été rendu à l’égard du vendeur ;
- le montant de la commande a été intégralement réglé par le consommateur -frais de livraison inclus- et encaissé par le vendeur avant le jugement d’ouverture ; et
- les biens du consommateur ne lui ont pas été livrés et sont en possession d’un transporteur qui ne peut être réglé par le vendeur ou par son mandataire judiciaire et, en conséquence, qui exerce effectivement son droit de rétention à l’encontre du consommateur.
Ce mécanisme de garantie ou d’assurance pourrait prendre des formes diverses, dès lors qu’il satisferait l’objectif poursuivi : une garantie bancaire à première demande dont la gestion est confiée à un mandataire ad hoc, un fonds de garantie couvrant le montant des frais d’expédition, etc. Un tel mécanisme de garantie porterait sur le montant réel des frais d’expédition et des frais de livraison dus par le vendeur au transporteur et non sur le montant des frais de livraison facturés par le vendeur au consommateur lors de la commande, si ces deux montants sont différents.
4.5. Le jugement d’ouverture intervient avant l’exercice du droit de rétractation (J3)
Le consommateur dispose, conformément à l’article L. 121-20 du Code de la consommation, d’un délai de rétractation de sept jours à compter de la réception pour les biens et de la commande pour les prestations de services.
Quand ce droit de rétractation est exercé par le consommateur, le VADiste est alors tenu de rembourser au consommateur l’intégralité des sommes versées (article L. 121-20-1 du Code de la consommation).
Un jugement d’ouverture peut intervenir avant l’exercice par le consommateur de ce droit. Il convient alors de différencier l’analyse selon deux hypothèses de rétractation.
4.5.1. Une rétractation pour non-conformité des biens livrés
Le consommateur peut se rétracter si les produits livrés ne correspondent pas à sa commande ou présentent des défauts. Il peut alors réclamer au VADiste l’échange de la marchandise non conforme ou le remboursement intégral du montant de sa commande. En outre, les frais de retour des produits non conformes sont à la charge du VADiste.
4.5.1.1. Le consommateur réclame un échange
Si le consommateur opte pour un échange des produits qu’il a reçus, son principal risque, en cas de procédure collective concernant le vendeur, réside dans le fait que les marchandises souhaitées ne soient pas disponibles dans les stocks du VADiste.
4.5.1.1.1. Si les biens destinés à être échangés ne figurent pas dans les stocks du VADiste
Dans ce cas, le consommateur se retrouve dans la même configuration que lorsque le montant de sa commande a été débité sans que les biens ne lui aient encore été livrés (point 4.4.1 ci- dessus) : il n’est pas garanti que les réapprovisionnements nécessaires soient effectués et l’hypothèse du remboursement du montant de sa commande par le vendeur n’est pas envisageable en raison de l’intervention du jugement d’ouverture d’une procédure collective.
Dès lors, les propositions de la FEVAD décrites au point 4.4.1.2 ci-dessus seraient applicables dans cette hypothèse.
4.5.1.1.2. Si les biens destinés à être échangés sont en possession du VADiste
Dans ce cas, le consommateur pourra revendiquer le bien auquel il a droit au titre de l’exercice de son droit de rétractation et de son choix de voir les biens échangés (point 4.4.2.1 ci-dessus).
4.5.1.2. Le consommateur réclame le remboursement du montant de sa commande
Lorsque le jugement d’ouverture de la procédure collective est intervenu avant que le consommateur n’exerce son droit de rétractation en invoquant une livraison non conforme à sa commande, le patrimoine du VADiste est gelé, empêchant toute initiative de remboursement du consommateur par le vendeur.
Les propositions de la FEVAD décrites au point 4.4.2.1 ci-dessus sont, là encore, transposables à cette hypothèse.
4.5.2. Une rétractation pour convenance
Le consommateur peut se rétracter après avoir simplement changé d’avis quant à sa commande, sans que les biens ne présentent un défaut ou une non-conformité quelconque.
Dès lors que le consommateur aurait eu connaissance du prononcé du jugement d’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire à l’encontre du vendeur, il opèrerait ce choix d’une rétractation pour convenance à ses risques et périls.
L’information du consommateur pourrait prendre la forme proposée par la FEVAD au point 4.2.2 ci-dessus.
4.6. Le jugement d’ouverture intervient avant l’annulation de la vente (J4)
4.6.1. Le droit d’annulation pour dépassement de la date de livraison du bien
Selon l’article L.114-1 alinéas 2 et 3 du C. Conso., le consommateur a la faculté de dénoncer le contrat de vente en cas de dépassement de plus de sept jours de la date de livraison prévue lors de la commande. A défaut d’indiquer cette date limite de livraison, le vendeur est réputé devoir livrer ou s’exécuter au jour de la commande.
Le consommateur ne peut exercer ce droit d’annuler la vente que dans la limite des soixante jours suivant la date contractuelle de livraison. Ce droit d’annulation dont bénéficie le consommateur, tel que le prévoit l’article L. 121-20-3 du même Code, ouvre droit à remboursement du montant de la commande, selon les mêmes modalités que pour le droit de rétractation décrit au point 4.5.1 ci-dessus.
4.6.2. La situation du consommateur
Lorsque qu’intervient un jugement d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du vendeur avant que le consommateur n’ait dénoncé le contrat de vente, le patrimoine du professionnel est figé, empêchant le remboursement du montant de la commande.
Le consommateur se trouve alors dans la même position que lorsque que le paiement de sa commande a été débité et que les biens ne sont pas encore livrés (point 4.4.1 ci-dessus).
4.6.3. Propositions de la FEVAD
Les solutions du débit à l’expédition de la commande ou de la garantie évoquées dans le présent rapport, seraient suffisamment protectrices du consommateur.
Toutefois, dans le cas du débit à l’expédition, une période problématique persisterait en cas d’annulation du contrat par le consommateur reçue par le vendeur après l’expédition du bien par ce dernier, mais avant sa réception par le consommateur. Le paiement serait alors débité juste avant la réception par le vendeur de l’annulation effectuée par le consommateur. Dans ce cas, ce dernier souhaiterait obtenir le remboursement de sa commande annulée, alors que celle-ci lui parviendrait de manière certaine à l’issue de son transport jusqu’au consommateur.
Il reviendrait alors au consommateur de choisir entre deux options :
- renoncer à l’annulation de sa commande effectivement livrée ; ou
- maintenir son souhait d’annuler sa commande et retourner les biens au vendeur en prenant le risque de ne pas être remboursé de ces frais de retour ni du montant de sa commande. Dans cette dernière hypothèse, les propositions de la FEVAD décrites au point 4.4.1.2 ci-dessus pourraient être envisagées.
4.7. Le jugement d’ouverture intervient après l’expiration du délai d’annulation (J5)
4.7.1. La consolidation de la vente
En cas de non livraison de la commande du consommateur à l’issue du délai de soixante jours suivant la date contractuelle de livraison et durant lequel le consommateur peut exercer son droit d’annulation, la vente devient finale. Aucune annulation ni résiliation n’est désormais possible et le consommateur ne pourra plus obtenir remboursement du montant de sa commande. Le consommateur n’est plus titulaire que d’une simple créance de la livraison à l’égard du vendeur.
4.7.2. Les risques pour le consommateur
Le consommateur se trouve alors dans la même situation que lorsque la livraison n’a pas été exécutée alors que le paiement est débité et dans l’une des trois hypothèses décrites au point 4.4 ci-dessus.
4.7.3. Les propositions de la FEVAD
Les diverses propositions formulées par la FEVAD au point 4.4 ci-dessus pourraient être retenues, selon la situation dans laquelle se trouve le consommateur :
- les biens ne sont pas disponibles chez le VADiste (4.4.1 ci-dessus) ;
- les biens sont en possession du VADiste (4.4.2 ci-dessus) ; ou
- les biens sont retenus par le transporteur (4.4.3 ci-dessus).
En tout état de cause, la mesure d’information des consommateurs sur l’ouverture d’une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire, décrite au point 4.2.2.1 ci- dessus, devrait lui permettre de réagir dans les plus brefs délais en cas de dépassement de la date de livraison prévue, afin qu’il exerce, le cas échéant, son droit à l’annulation de la vente dans le délai de soixante jours prévu par l’article L. 121-20-3 du Code de la Consommation.
Première publication : Vie-Publique.fr
References
↑1 | BtoC (Business to Consumer) : services proposés par des entreprises à des consommateurs. |
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↑2 | Par exemple, lorsqu’un vendeur « physique » propose un service de livraison à domicile ou propose à la vente des produits qu’il n’a pas en stock lors de la vente (ameublement, équipement, installation d’équipements, etc.). |
↑3 | Jean-Michel Jacquet – Le contrat international – Connaissance du droit – Dalloz, p. 50. |
↑4 | Le droit de rétractation ne s’applique pas (Article L. 121-20-2 C. Cons.) à la fourniture de services dont l’exécution a commencé, de biens ou de services dont le prix est fonction de fluctuations des taux du marché financier, de biens confectionnés spécifiquement à la demande du consommateur ou susceptibles de se détériorer rapidement, de supports média (audio, vidéo, logiciels) descellés par le consommateur, de journaux, de périodiques ou de magazines ou de paris ou de loteries autorisés. |
↑5 | Article 2-1° et 4° de la Directive VAD. |
↑6 | Cass. 1ère Civ., 13 novembre 2008, n°T 07-14856, Sté SLG c/ Rima M. : JurisData n°2008-045782 |