Ce nouveau régime de protection complète l’arsenal juridique de protection de la propriété industrielle. Ces nouvelles dispositions doivent être combinées avec les règles existantes du droit des marques, et soulignent ainsi une concurrence éventuelle entre les deux régimes.
Une protection longtemps réservée aux produits agroalimentaires
Le système de protection des indications d’origine pour les produits alimentaires et agricoles existe depuis longtemps. Au niveau français, le label « Appellation d’Origine Contrôlée » (AOC) protège depuis 1935 les produits viticoles, et depuis 1990 l’ensemble des produits agricoles ou alimentaires, bruts ou transformés. En 1992, la protection de l’origine géographique des produits agro-alimentaires a été étendue au niveau européen par la création des « Indications Géographiques Protégées » (IGP) et des « Appellations d’Origine Protégées » (AOP). Ces deux indications identifient les produits agro-alimentaires selon leurs caractéristiques et leur origine géographique, les IGP offrant un régime plus souple, en termes de lien entre le produit et le territoire, que les AOP.
La célèbre affaire des couteaux « Laguiole », où la marque « Laguiole » avait été déposée sans difficulté par un tiers aux fins d’inonder le marché avec des couteaux de piètre qualité, fabriqués en Chine, a permis de prendre conscience des risques liés à cette absence de protection. Le projet initial de protection, initié avant le changement de majorité, vient d’être entériné par la Loi Hamon.
Un nouveau droit de propriété industrielle
Le nouvel article L.721-2 du CPI reprend la logique de la définition des indications géographiques de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). L’objectif affiché des IGPIA est de permettre d’identifier un produit –industriel ou artisanal– en fonction de son origine géographique, dès lors que ledit produit possède une qualité déterminée, une réputation ou d’autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique. Les opérations de production ou de transformation du produit doivent avoir lieu dans cette même zone identifiée. Les critères des IGPIA, en termes de lien entre le produit et le territoire, sont donc plus souples que pour les AOC et les AOP. Par exemple, les matières premières utilisées pour la confection des produits ne doivent pas nécessairement provenir de la zone géographique concernée. Le régime des IGPIA est donc plus proche de celui-ci des IGP européennes.
La demande d’homologation et le suivi d’une IGPIA doivent être effectués, auprès de l’INPI, par un « organisme de défense et de gestion », doté d’une personnalité morale (art. L.721-4 du CPI), selon un cahier des charges qui doit indiquer de manière précise les liens entre le produit et son indication géographique. Les IGPIA bénéficient d’une large protection qui garantie les produits contre toute pratique qui serait susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à l’origine véritable et aux qualités du produit. Une peine allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende est prévue pour toute atteinte à la protection apportée à un produit par une IGPIA.
Une concurrence avec le droit des marques ?
Le régime des IGPIA se combine au droit déjà applicable à la protection des marques, au risque de créer une concurrence entre leurs bénéficiaires. En effet, selon l’article L.712-4 du CPI, tel que modifié par la loi Hamon, le droit d’opposition peut désormais être exercé par une collectivité territoriale ou un organisme de défense et de gestion titulaire d’une IGPIA. De même, la loi Hamon modifie l’article L.711-4 du CPI, l’IGPIA venant s’ajouter à la liste des droits antérieurs pouvant justifier le rejet d’une demande d’enregistrement ou l’annulation d’une marque enregistrée. Ainsi, une marque déposée pourra être annulée, au titre de l’article L.714-3 du CPI, si elle porte atteinte non seulement à des droits antérieurs liés « à une indication géographique », mais aussi « au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale ». Enfin, l’article L.712-2-1 du CPI crée un système d’alerte pour les collectivités locales qui pourront dès à présent demander à l’INPI d’être informées dans l’hypothèse du dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant leur dénomination.
La loi Hamon, avec la création des IPGIA, offre un outil juridique nouveau aux industriels et artisans, pour défendre leur savoir-faire, et aux collectivités, pour protéger leur économie locale. A l’heure actuelle, la protection effective des IPGIA s’arrête aux frontières nationales. Néanmoins, l’Union Européenne étudie sérieusement la possibilité d’étendre les IGP aux produits non agroalimentaires. C’est donc une véritable évolution du régime de protection de la propriété industrielle qui a été initiée.
En effet, le titulaire d’une marque comprenant une indication géographique, sans que sa production ait un lien suffisant avec un savoir-faire local, pourrait voir sa marque annulée dès lors qu’une collectivité territoriale prouverait que celle-ci porte atteinte à son nom, son image ou sa renommée, ou que le titulaire d’une IGPIA revendique l’antériorité de ses droits. Les titulaires de marques devront désormais prendre en compte les intérêts et les prérogatives des collectivités territoriales et des acteurs locaux souhaitant protéger leur artisanat et leur renommée.
Première publication dans le K&L Gates Trademark and Unfair Competition Bulletin en collaboration avec Olivia Roche