TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS, 3eme chambre 3e section

JUGEMENT rendu le 12 juin 2020

N° RG 17/14295 – N° Portalis

Assignation du : 05 octobre 2017

DEMANDEURS

Monsieur Z F-AC […]

représenté par Maître Emmanuel PIERRAT de la SELARL CABINET PIERRAT, avocat au barrcau de PARIS, vestiaire #L166

SOCIÉTÉ DES AUTEURS DES ARTS VISUELS ET DE L’IMAGE FIXE (SAIF)

représentée par Me Z-B LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D 127

DÉFENDEURS

Monsieur D E AD AE […]

JAPON

représenté par Maître Thomas DEBIESSE de la Société DBK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2367

Société de droit allemand U V représentée par Monsieur X Y

Alberusstr. 9-11 D

représentée par Maître Claude-Étienne ARMINGAUD du Cabinet K & L GATES LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J120

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Carine GILLET, Vice-Président Laurence BASTERRELIX, Vice-Président Elise MELLIER, Juge

assisté de Alice ARGENTINI, Greffier présent lors des débats et de Catherine DEHIER, Greffier présent lors du prononcé.

DÉBATS

A l’audience du 11 mars 2020 tenue en audience publique

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu publiquement par mise à disposition au greffe le 24 avril 2020.

Par application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, et de l’ordonnance de roulement modificative du président du tribunal judiciaire de Paris du 16 mars 2020 prise dans le cadre du plan de continuation de l’activité de cette juridiction, en date du 15 mars 2020, le délibéré initialement fixé au 24 avril 2020, a été prorogé à ce jour.

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire en premier ressort

Z F-AC (ci-après « Z A ») se présente comme un artiste reconnu et l’un des plus grands photographes plasticiens et conceptuels contemporains. Ses photographies sont exposées dans des galeries et font l’objet de rétrospectives, tant en France qu’à l’étranger et sont également publiées dans de célèbres magazines tels que VOGUE. Il a notamment réalisé des photographies pour des annonceurs prestigieux comme B C qui ont cherché son regard et ses conceptions visuelles pour leur publicité.

Par bulletin du 11 février 2006, il a adhéré à la Société des Auteurs des Arts Visuels et de l’Image Fixe (ci-après « la SAIF »), organisme de gestion collective de droits d’auteur ayant notamment pour objet de défendre les intérêts matériels et moraux de ses membres et ayant qualité à agir dans l’intérêt individuel de ses membres ainsi que dans l’intérêt collectif des différentes professions représentées en son sein.

D E est un photographe japonais né à Osaka en 1938, qui vit et travaille essentiellement à Tokyo, reconnu à l’international, présentant ses œuvres dans des galeries d’art contemporain partout dans le monde et ayant publié environ 220 recueils de photographies, dont plusieurs ont été honorés par les critiques. La Fondation CARTIER pour l’Art Contemporain a reconnu, lors de deux rétrospectives en 2003 et 2015, l’influence de D E dans le monde artistique, le qualifiant de « figure mythique de la photographie contemporaine japonaise ». Ses œuvres retranscrivent la fascination qu’il porte pour la ville et la photographie de rue (« street photography »), décrite comme un type de photographie moderne transformant la vision traditionnelle des prises de vue, en écartant les styles usuels et en exprimant un regard nouveau sur le paysage urbain des grandes villes occidentales.

La galerie d’art contemporain allemande U V a ouvert ses portes en 2000 à Cologne, afin de promouvoir l’art moderne auprès du grand public. Grâce aux liens qu’elle est parvenue à établir avec des maisons d’éditions et des musées internationaux, tels que le Centre Pompidou à Paris, celle est aujourd’hui reconnue à l’échelle mondiale pour son expertise en matière d’art contemporain. Elle a notamment fait le choix de se spécialiser dans les arts japonais, russe et allemand, en exposant de nombreuses œuvres ayant fait l’objet de collaborations artistiques, notamment à Cologne et à Paris. Elle s’est rapprochée de la galerie japonaise Taka Ishii, par le biais de laquelle elle a exposé de nombreuses photographies de l’artiste D E.

Le magazine EGOISTE, revue « culte » au format inhabituel, bénéficiant de publicités de grandes marques de luxe, a fait appel en 2000 à Z F, compte tenu de sa notoriété, pour la réalisation d’une séance AA pour le joaillier CARTIER. Parmi les photographies réalisées, figure une photographie représentant une panthère appuyée sur la devanture d’un magasin de cette marque.

Cette photographie a été diffusée en page 4 du n° 14 du magazine EGOISTE paru au 4e trimestre 2000, puis, plus largement, sur divers supports et exposée, notamment aux Galeries Lafayette en 2002.

En 2012, à l’occasion du salon PARIS AA, première foire internationale dédiée à la photographie qui se tient chaque année depuis 1997 au Grand Palais à Paris, Z F dit avoir découvert que l’une des galeries exposantes, la Galerie U V, avait offert à la vente et montré sur de grands panneaux, au stand B34, une photographie de 150 x 100 cm présentée comme étant l’œuvre de D E et faisant partie de la série « KYOKU/EROTIKA »

Estimant que, sous prétexte d’une photographie de rue du mouvement « appropriationiste », le cliché se contente de reproduire intégralement son œuvre sans que son nom soit mentionné, Z F a interrogé CARTIER qui a immédiatement envoyé le 16 novembre 2012 un courrier à la Galerie U V lui demandant de cesser toutes exploitations de l’œuvre de Z F. Ce dernier a également adressé le 26 novembre 2012 une mise en demeure à la Galerie U V, son dirigeant X BRÛGGEMANN ainsi que D E, réitérée à l’égard de ce dernier le 12 décembre 2012 en langue anglaise. Cette photographie a par la suite été reproduite et offerte à la vente sur le site internet de la Galerie U V, puis a été reprise dans le cadre d’articles sur plusieurs sites internet.

Par actes du 5 octobre 2017, Z F-AC et la SAIF ont assigné devant ce tribunal D E et la Galerie U V en contrefaçon de droits d’auteur.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 juillet 2019, Z A demande au tribunal, au visa des articles L. 11 1-1, L. 113-1, L. 113-2, L. 113-4, L. 121-1, L. 122-1, L. 122-2, L. 122-3, L. 122-4, L. 331-1-3, L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle, de l’article 2224 du code civil et des articles 46, 74 et 700 du code de procédure civile, de :

  • DIRE Monsieur Z A recevable à agir et bien fondés en ses demandes
  • DIRE ET JUGER que Monsieur Z F est l’auteur de la photographie en cause, laquelle est éligible à la protection par le droit d’auteur en vertu du Livre Ier du code de la propriété intellectuelle,
  • DIRE ET JUGER qu’en reproduisant et en communiquant au public la photographie litigieuse lors de l’exposition PARIS AA, Monsieur D E et la Galerie U V ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de Monsieur Z F,
  • DIRE ET JUGER qu’en attribuant la paternité exclusive de la photographie litigicuse à Monsieur D G et en omettant de mentionner le nom de Monsieur Z F, Monsieur D E et la Galerie U V ont porté atteinte aux prérogatives de droit moral de Monsieur Z F,

En conséquence :

  • CONDAMNER AG solidum Monsieur D E et la T U V à payer à Monsieur Z F les sommes suivantes :
    • 85.000 euros à titre de réparation de son préjudice moral par atteinte au droit de paternité sur ses œuvres et au droit au respect sur les œuvres de Monsieur Z F,
    • 60.000 euros à titre de réparation de l’atteinte à son droit de reproduction et de représentation sur son œuvre,
  • ORDONNER à titre de réparation complémentaire, la publication intégrale ou par extrait du dispositif du jugement à intervenir dans cinq publications quotidiennes ou périodiques au choix de Monsieur Z F et aux frais avancées de, AG solidum, Monsieur D E et la Galerie U V, dans la limite de 5.000 euros HT par publication
  • ORDONNER à Monsieur D E et à la Galerie U V, l’interdiction d’exploitation, de reproduction et de communication au public de la photographie contrefaisante sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée
  • ORDONNER à Monsieur D E et à la Galerie U V, la production sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard de l’intégralité des documents justifiant des recettes encaissées avec la photographie contrefaisante -CONDAMNER AG solidum Monsieur D E et la T U V à payer à Monsieur Z F une somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 de code de procédure civile,
  • ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Dans l’assignation délivrée le 5 octobre 2017, la SAIF a formé des demandes conjointes avec Z F. En l’absence de conclusions postérieures, ses demandes au tribunal sont les suivantes :

  • Dire Mr Z F et la SAIF recevables et bien fondés en leurs demandes
  • AF que Mr D E a commis des actes de contrefaçon à l’encontre de Mr Z A et de la SAIF, en photographiant la photographie de Mr Z F et en la diffusant sans mention du nom de son auteur, sous forme d’expositions, de présentations publiques, de reproductions et de représentations sur Internet, et de ventes de tirages de différentes dimensions,
  • Dire que la T U V s’est rendue complice des actes de contrefaçon commis, coupable de débit d’ouvrages contrefaisants et coupable de contrefaçon sur son site Internet,

— Dire que Mr D E et la Galerie U V ont également porté atteinte au droit moral de paternité de Mr Z A en ne mentionnant pas son nom,

  • Condamner en conséquence D E AG solidum avec la T U V à payer à Monsieur Z A les sommes suivantes :
    • 85.000 euros à titre de réparation de son préjudice moral par atteinte au droit de paternité sur ses œuvres et au droit au respect sur les œuvres de Monsieur Z F,
    • 60.000 euros à titre de préjudice patrimonial,
  • Condamner Mr D E et la Galerie U V, AG solidum, à payer à la SAIF une somme de 5.000 euros à litre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte aux droits dont elle a reçu apport de l’auteur, à raison des exploitations sur Internet,
  • Ordonner à titre de réparation complémentaire la publication intégrale ou par extrait du dispositif du jugement à intervenir dans cinq publications quotidiennes ou périodiques au choix de Mr Z A et aux frais avancées de, AG solidum, Mr D E et la Galerie U V, dans la limite de 5.000 euros HT par publication,
  • Condamner AG solidum Mr D E et la Galerie U V à payer d’une part à Mr Z A une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 de code de procédure civile, d’autre part à la SAIF une somme de 2.000 euros sur le même fondement, ainsi que dans tous les dépens, que Me Z-B LAGARDE, Avocat à la Cour, sera autorisé à recouvrer directement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,
  • Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 2019, la société de droit allemand U V demande au tribunal, au visa des articles L. 112-1 et L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, de l’article 12 1-7 du code pénal, des articles 3 1, 32 et 122 du code de procédure civile, des articles 1998 et suivants du code civil et de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme,

de :

AF AG AH AI, l’absence de qualité à agir de Monsieur Z F ;

AF A TITRE PRINCIPAL, l’absence d’originalité de la photographie ;

AF A TITRE SUBSIDIAIRE, l’absence d’actes de contrefaçon, et de débit d’ouvrages contrefaisants imputables à la galerie U V et la violation de la liberté d’expression de Monsieur D E ;

AF À TITRE RECONVENTIONNEL, le mandat existant entre Monsieur D E et la galerie U V pour d’exposition et la vente de ses œuvres ;

AF que Monsieur Z F n’a subi aucun préjudice ;

AF l’absence de justification des mesures de publication et d’interdiction et de destruction,

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur Z F de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A TITRE RECONVENTIONNEL ET SUBSIDIAIRE,

  • CONDAMNER Monsieur D E à garantir la galerie U V de l’intégralité des condamnations mises à la charge de celle-ci tant en principal, frais et accessoires ;
  • CONDAMNER Monsieur Z F à payer AG solidum la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
  • ORDONNER l’exécution provisoire de la décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2019, D E demande au tribunal, au visa des articles 9, 15 et 31 du code de procédure civile, de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, de l’article 1° » de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, de l’article L. 11 1-3 du code de la propriété intellectuelle de :

À titre principal :

  • DECLARER irrecevable l’action de Monsieur Z F et de la SAIF dirigée à l’encontre de Monsieur D E, car mal dirigée, et/ou concernant des faits prescrits, et/ou commis hors de France, et/ou commis par des tiers, ressortissants étrangers, et qui ne sont pas imputables à D E ;
  • DECLARER irrecevable l’action de Monsieur Z F et de la SAIF dirigée à l’encontre de Monsieur D E, faute pour Monsieur Z F de démontrer sa qualité d’auteur et la titularité des droits afférents, alors que cette charge lui incombe ;
  • METTRE HORS DE CAUSE Monsieur D E ;

À titre subsidiaire :

  • JUGER que Monsieur D E n’a pas porté atteinte aux droits de Monsieur Z F ;
  • JUGER que Monsieur Z F et la SAIF ne démontrent pas avoir subi le moindre préjudice ;
  • DONNER ACTE à Monsieur D E que, sans reconnaissance du bien-fondé des demandes de Monsieur Z F et de la SAIF, il s’engage à donner instruction à la galerie japonaise qui le représente de ne pas procéder à la vente des tirages de la photographie litigicuse ;
  • DEBOUTER Monsieur Z F, la SAIF et le cas échéant U V de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ; à tout le moins, les limiter à un euro symbolique ;

En tout état de cause

  • CONDAMNER Monsieur Z F et la SAIF AG solidum à verser une somme de 30.000 euros à Monsieur D E au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 novembre 2019 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 11 mars 2020.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures précitées des parties, pour l’exposé de leurs prétentions respectives et les moyens qui y ont été développés.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité à agir de Z F et de la SAIF

  • sur la prescription des actes de contrefaçon

D E fait valoir que les faits de contrefaçon qui lui sont reprochés par les demandeurs dans leur assignation au titre de la prise de la photographie d’une vitrine CARTIER, dont un tirage a été réalisé par la galerie Taka Ishii puis livré à la Galerie U V qui l’a exposée au salon Paris AA, sont prescrits, la photographie ayant été réalisée en 2004 en Allemagne et publiée en 2007 dans l’ouvrage « Kyoku/Érotica ».

Cependant, dans le dernier état de ses écritures, Z A ne demande plus au tribunal de dire que la photographie de sa propre photographie constitue une contrefaçon, ses demandes concernant désormais exclusivement l’exposition de la photographie litigicuse au salon PARIS AA en 2012, dont il n’est pas soutenu qu’elles seraient prescrites.

Seule la SAIF, qui n’a pas conclu postérieurement à l’assignation délivrée conjointement avec Z F, poursuit encore les faits de contrefaçon commis par D E lors de la prise de vue de la photographie litigieuse. Cependant, la SAIF n’agissant qu’au titre des droits sur l’œuvre de Z F dont il lui a fait apport, et seuls les faits commis à l’occasion du salon PARIS AA en 2012 étant susceptibles de porter atteinte aux droits qu’elle a qualité à défendre, l’irrecevabilité soulevée par D E est devenue sans objet.

  • sur la compétence du tribunal judiciaire de Paris

D E indique que Z F ne peut demander réparation du préjudice qui résulterait d’actes commis hors de France par des ressortissants étrangers, le tribunal judiciaire de Paris n’étant compétent que pour statuer sur les faits d’exploitation ayant eu lieu en France.

Z F réplique que cette exception d’incompétence est irrecevable en ce qu’elle aurait dû être soulevée AG AH AI devant le juge de la mise en état. Il ajoute qu’en tout état de cause les faits de contrefaçon ont été commis au salon PARIS AA, qui a cu licu dans le ressort du présent tribunal, et que, s’agissant des faits de contrefaçon commis via internet, le site de la Galerie U V était accessible pour le public français.

Sur ce,

L’article 74 du code de procédure civile dispose que « Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public ».

Si le moyen tiré de la prescription de l’action en contrefaçon est une fin de non-recevoir qui, invoquée en premier, rend irrecevable l’exception de compétence soulevée postérieurement, il résulte en l’espèce des écritures de D E que la compétence du tribunal de céans n’est pas contestée, ni territorialement, à raison des actes commis lors du salon Paris AA, ni matériellement, pour connaître des demandes fondées sur les faits de contrefaçon allégués. Le défendeur se contente en effet de rappeler que, ayant fait le choix de saisir la juridiction française et non celle du lieu où le défendeur demeure, Z F ne peut, devant cette juridiction, que solliciter la réparation du préjudice qu’il dit avoir subi en France. Ce moyen sera donc pris en considération dans le cadre de l’appréciation des demandes indemnitaires formées par Z A et il n’y a donc pas lieu de le déclarer irrecevable en son action.

  • sur l’imputabilité des faits à D E

D E soutient qu’aucun des agissements fautifs (exposition du tirage, réalisation du tirage, offre à la vente du tirage, parutions dans des publications) ne peut lui être imputé, de sorte que les demandes formées tant par Z F que par la SAIF sont irrecevables car mal dirigées.

Cependant, la caractérisation d’actes de contrefaçon imputables à D E ne constitue pas un moyen de recevabilité de l’action mais relève de l’appréciation au fond de l’existence de faits de contrefaçon et sera donc examinée à ce titre.

  • sur la qualité à agir de Z F

La société U V fait valoir que le demandeur échoue à démontrer qu’il est titulaire de droits d’auteur sur la photographie parue dans la revue EGOISTE, celle-ci ayant été réalisée à la demande et sur instructions de J K , personne extérieure au présent litige, la panthère étant le symbole du joaillier CARTIER, Z F n’ayant eu qu’un rôle technique et son nom ne figurant pas à côté de la photographie publiée selon la pièce n° 1 qu’il a communiquée. Elle souligne que son nom n’apparaît que dans l’ours du magazine, sans lien avec la photographie représentant la panthère CARTIER, et qu’il n’est pas davantage cité dans les différentes revues qui reproduisent cette photographie, ni la photographie recensée dans les articles consacrés à son travail.

D E indique quant à lui que la qualité à agir de Z F n’est pas établie par les attestations des personnes présentes au salon PARIS AA qu’il a versées au débat, pas plus que par les photographies du demandeur devant la photographie sur laquelle il revendique des droits d’auteur. Il conteste au demandeur le bénéfice de la présomption de titularité, la photographie n’ayant pas été diffusée sous son nom mais sous un double crédit qui désigne J K comme conceptrice du visuel, ce qui n’est pas le cas de toutes les photographies parues dans le n° 14 du magazine EGOISTE. Il ajoute que si la participation de Z F à la réalisation de cette photographie ne peut être contestée, seule la réalisation technique lui a été confiée, de sorte qu’il ne peut revendiquer en être l’auteur.

Il souligne que le demandeur ne communique aucun élément relatif à la réalisation de cette photographie et que la présence de la panthère, et nécessairement d’un dompteur, avait été organisée dans un but publicitaire et scénarisée, excluant tout choix arbitraire de la part de Z F.

Z F réplique que si J K a pu avoir des suggestions de sujet ou choisir de confier à un artiste la réalisation d’un sujet, elle ne possède pas la qualité d’auteur, qui appartient à celui qui fixe matériellement l’œuvre. Il invoque le bénéfice de la présomption de paternité, la parution de la photographie en page 4 du n° 14 du magazine EGOISTE contenant sa signature en bas à droite, et étant crédité au titre des photos en page 82 de cette parution. Il dit avoir pris cette photographie en totale liberté et sans aucune directive de la part d’une personne extérieure. Il rappelle que de nombreux articles de journaux le présentent comme un photographe de l’univers du luxe ayant travaillé pour les plus grandes marques, dont une quinzaine mentionnant la photographie sur laquelle il revendique des droits d’auteur, et que plusieurs témoins attestent qu’il en est bien l’auteur.

La SAIF indique que la photographie de la panthère devant une vitrine du joailler CARTIER a été réalisée par Z F à l’occasion d’une prise de vue destinée à une parution publi-rédactionnelle dans le magazine EGOISTE, le photographe ayant choisi le cadrage et la mise au point, saisi l’instant convenable, l’angle de prise de vue et le temps de pose.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 111-1, alinéa 1° » du code de la propriété intellectuelle, « L  »auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».

L’article L. 113-1 du même code dispose que « La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ».

En l’espèce, il est établi (pièce 120 Z F) que la photographie dont il revendique être l’auteur a été publiée en page 4 du n° 14 du magazine EGOISTE, accompagnée, en bas à droite, de la mention « Z F – conception J K ». Il ne peut donc être contesté que Z F a été crédité pour son travail ayant permis la réalisation de cette photographie, seule la portée de ce crédit pouvant être sujet à interprétation.

Si, comme l’indiquent les défendeurs, d’autres photographies parues dans le même numéro ne comportent que le nom des photographes qui en sont les auteurs (au demeurant jouissant tous d’une renommée particulière, comme M N ou Karl LAGERFELD) et ne précisent pas que la conception en revient à J K, qui a créé et dirige le magazine EGOISTE, il ne peut en être déduit que Z A n’aurait eu qu’un simple rôle d’exécutant technique.

Par ailleurs, la réalisation de cette photographie au cours d’une séance organisée et scénarisée, et notamment la présence d’un dompteur accompagnant la panthère, le fait que ce félin a été choisi par référence à l’image emblématique de la marque CARTIER, n’exclut pas en elle- même que Z A a pu faire preuve de créativité au-delà de son engagement aux fins de réalisation d’une publicité inédite et destinée au magazine EGOISTE.

Or il résulte de l’attestation de O P (pièce 121 Z A), photographe ayant assisté Z A au cours de la séance ayant permis la réalisation de la photographie de la panthère appuyée sur la vitrine d’un magasin CARTIER, qu e : « La réalisation de la première AA (la panthère marchant vers nous) a été faite avec un Nikon FS (24 x36) posé sur un petit picd au ras du sol. Après cette AA, et en attendant la préparation de la prochaine séquence,le dompteur a profité de cet instant de liberté pour laisser à la panthère la possibilité de « faire quelques pas ». Elle s’éloigne de nous puis revient vers nous et longe le bord de la boutique. Puis elle se dresse… Je vois Z F qui en un instantsaute par-dessus l’appareil toujours posé, fixé au sol. La panthère est maintenant debout sur ses pattes arrières et Z F a saisi son Leica 76 qu’il porte toujours à son cou et shoote la AA. Il faut dire que cette AA n’était pas prévue dans l’histoire ». La description de cette séance établit qu’en prenant cette photographie, Z A est allé au-delà du cadre de la commande qui lui avait été passée et dont les visuels avaient été définis, pour faire preuve d’une initiative créative témoignant de sa liberté d’action et de son sens de l’à-propos. Dès lors, étant l’auteur de cette photographie et non un simple exécutant technique, Z F est recevable à agir en contrefaçon et, partant, la SAIF, à qui il a fait apport des droits patrimoniaux de reproduction, de représentation, de communication au public et de son droit de suite (pièce 3 demandeurs), le sera également.

Sur la protection au titre des droits d’auteur

Z F expose, pour établir l’originalité de sa photographie, que tant sa composition que le choix des effets de lumière et d’ombre, de la construction par l’angle de vue et de l’instant décisif traduisent ses partis pris esthétiques et témoignent de l’empreinte de sa personnalité, cette photographie étant d’ailleurs devenue emblématique de son œuvre et ayant contribué à sa renommée.

La SAIF indique que l’empreinte de la personnalité de Z F se manifeste par le contraste entre la présence du fauve dans la rue, devant la vitrine d’un joaillier et le raffinement des bijoux qu’elle convoite comme s’il s’agissait d’une proie, la composition de la photographie et les choix techniques opérés par le photographe (objectif, sensibilité du film, angle de prise de vue, cadrage, choix de l’instant décisif).

En réplique, la société U V conteste l’originalité de cette photographie, aucun choix n’ayant selon elle été fait par Z F et les circonstances extérieures s’étant imposées à lui. Elle considère notamment que les choix techniques revendiqués par le photographe dans ses écritures sont en contradiction avec le caractère instantané de la photographie et avec l’action immédiate et soudaine de

la panthère qui pose ses pattes sur la vitrine de la boutique CARTIER, et qu’ils ne sont que le fruit du hasard. Elle souligne que les choix de Z F étaient particulièrement restreints du fait des contraintes de lieu et de temporalité de la scène ainsi que des exigences de la commande passée par le magazine EGOISTE et la maison CARTIER à qui est due la présence de la panthère, à laquelle son image est associée depuis les années 1940. Elle rappelle enfin que la notoriété dont se prévaut Z F est inopérante à caractériser l’originalité de la photographie en cause.

Sur ce,

En application des dispositions de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif ect opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

L’article L. 112-1 du même code protège les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité d’une œuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.

En l’espèce, Z F, pour justifier de l’originalité de la photographie dont il est l’auteur, invoque avoir réalisé des choix arbitraires, reflétant sa personnalité, tant au plan technique qu’au plan esthétique et conceptuel.

S’agissant des choix techniques, s’il dit avoir su choisir l’objectif approprié, la sensibilité de la pellicule et le réglage du diaphragme de la photographie, il résulte de l’attestation de O P, qui l’a assisté au cours de cette séance, que la photographie a été prise avec l’appareil que Z F avait conservé autour du cou, tandis que l’appareil qui avait été réglé pour prendre la photographie précédente se trouvait au ras du sol, sur un petit pied. Compte tenu de la réactivité nécessaire à la prise de la photographie, il n’a pu que s’emparer de l’appareil sans pouvoir en vérifier ou modifier les réglages, à l’exception de la focale et du temps d’exposition.

S’agissant de la conception de cette image, Z F expose qu’elle montre une panthère saisie devant une boutique CARTIER, les pattes posées sur le rebord de la vitrine. La posture de la panthère paraît ainsi indiquer qu’elle regarde intensément, en le convoitant comme une proie, le contenu de la vitrine. La queue de la panthère repose sur le sol et l’animal ainsi campé sur ses membres, le corps effilé et élancé semble marquer la concentration et l’intérêt irrépressible et sauvage qu’un fauve a pour sa proie avant de bondir sur elle. Le corps tout entier de l’animal semble tendu vers l’intérieur de la vitrine et les bijoux qui y sont visibles.

Cet effet entraîne, par humour et analogie, la curiosité pour ce que voit l’animal dans la vitrine chez celui qui voit la photographie, des bijoux, mais aussi une panthère sculptée, symbole de la marque. Il dit avoir su saisir le contraste de la présence d’un fauve dans la rue, devant la vitrine d’un joaillier, qui oppose de façon inattendue la vie sauvage d’un prédateur dangereux, la panthère, à la banalité de sa présence sur la voie publique mais aussi au raffinement des bijoux qu’elle convoite à l’égal d’une proie. L’image guide le regard vers ce que le fauve convoite comme si c’était sa proie. Les partis pris esthétiques qui transparaissent de l’image parviennent à susciter chez celui qui regarde la photographie un intérêt pour ce que regarde le fauve. La photographie réussit ainsi à attirer l’attention sur l’intérieur de la vitrine alors que tout un chacun peut passer devant cette vitrine de CARTIER sans porter son regard à l’intérieur.

Ces éléments, relatifs au cadrage et à l’angle de prise de vue, la panthère étant de profil, en appui sur la devanture, la tête au niveau de la vitrine, l’enseigne CARTIER ainsi que les bijoux exposés étant bien visibles, dont un collier particulièrement imposant qui semble appeler l’attention de l’animal mais également de celui qui regarde la photographie, constituent des choix arbitraires traduisant la personnalité du photographe qui, bien que le félin était présent en vue de réaliser des images qui avaient été préalablement scénarisées, a su profiter du mouvement imprévisible de l’animal pour créer une composition traduisant un effort créatif certain. Cette photographie bénéficie donc de la protection au titre des droits d’auteur.

Sur les actes de contrefaçon

Z F reproche aux défendeurs d’avoir, sans son consentement et sans que son nom a été mentionné en tant qu’auteur de l’œuvre préexistante, reproduit intégralement sa photographie, de l’avoir communiquée au public et de l’avoir offerte à la vente dans le cadre du salon PARIS AA qui s’est déroulé du 15 au 18 novembre 2012 en tirage grand format (150,00 x 100,00 cm) exposé au sein du stand B34 de la Galerie U V, puis dans le cadre de sa diffusion sur internet, sur le site de la Galerie U V, accessible en France, notamment le 16 novembre 2012. Il impute par ailleurs à D E seul d’avoir autorisé la diffusion de la photographie litigieuse sur plusieurs sites internet.

Il fait valoir que, même si l’œuvre de D E était considérée comme une œuvre composite à laquelle la sienne serait incorporée, elle a été créée sans respecter les droits d’auteur sur l’œuvre préexistante et qu’il n’est donc pas porté, par la présente action, une atteinte disproportionnée à la liberté de création du défendeur.

La SAIF soutient que les défendeurs ont commis de faits de contrefaçon par reproduction et par représentation ainsi que par débit d’ouvrages contrefaisants, la photographie de Z A ayant été purement et simplement reproduite sans son accord par D E puis vendue, toujours sans son accord et sans que son nom ne soit mentionné. La photographie a également été reproduite et communiquée au public par internet sur le site de la Galerie U V et de la Galerie CHRISTOPHE GUYE.

La société U V conteste les faits de contrefaçon, y compris le débit d’ouvrages contrefaisants, la photographie de D E, qui constitue une mise en abîme de la photographie du demandeur figurant sur la vitrine d’une boutique CARTIER, étant différente de celle de Z Q E et résultant de choix artistiques arbitraires illustrant la richesse de son travail intellectuel et technique. Elle estime que les faits de contrefaçon invoqués par les demandeurs créent un déséquilibre entre les droits de Z F et la liberté d’expression artistique de D E, dont la spécificité du style de photographie, de rue, implique nécessairement de reprendre les éléments disponibles dans l’espace public. Enfin, elle affirme ne pas être responsable des actes de contrefaçon poursuivis, n’ayant agi qu’en tant que mandataire de la galerie japonaise Taka Ishii et de D E, et sollicite, à titre subsidiaire, la garantie de ce dernier en cas de condamnation.

D E revendique la liberté d’expression attachée aux photographes de rue, lesquels visent à photographier l’espace non privé, donc les bâtiments, les personnes et les objets (dont les publicités et les marques) qui s’y trouvent, et à capter ainsi les fragments du réel, proscrivant toute altération artificielle de l’image, de sorte qu’un équilibre doit être trouvé avec le monopole d’exploitation d’un auteur. Il soutient que la photographie litigieuse est un instantané brut, pris de nuit dans une ville allemande et montant la vitrine d’un joaillier, qui n’avait pas vocation à être commercialisé indépendamment de l’ensemble dénommé « Kyoku/Érotika » et dont la vente en France n’est pas établie. Il conteste avoir donné son autorisation à la présentation de sa photographie sur des sites internet et considère que l’atteinte au droit moral n’est pas caractérisée car le nom du demandeur ne figurait pas sur la photographie exposée en vitrine de la boutique CARTIER.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, « L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible (…)».

L’article L. 122-4 de ce code prévoit que « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ».

Enfin, l’article L. 335-2 du même code dispose que « Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit ».

En l’espèce, il n’est pas contesté que la photographie de D E a été exposée par la Galerie U V sur son stand du salon PARIS AA qui a eu lieu du 15 au 18 novembre 2012, au prix de vente de 9 400 euros. Le cartel accompagnant cette photographie comportait les mentions suivantes : « D E (*1938) Untitled (from the series « Kyoku Erotica ») 2007 Silver print, printed later 150,00 x 100,00 cm Galerie U V, Cologne #06228-LO1 ». Cette photographie a concomitamment été offerte à la vente sur le site internet de la galerie (pièce 5 demandeurs).

Or il résulte de la comparaison de cette photographie avec l’œuvre préexistante de Z A que cette dernière est intégralement reprise, la photographie de D E représentant une vitrine d’une boutique CARTIER dans laquelle a été affichée la photographie réalisée par le demandeur, initialement aux fins de parution publicitaire dans le magazine EGOISTE. Cette reproduction intégrale n’est pas discutée par D R et ne peut être remise en cause par les différences de perspective et de cadrage invoquées par la galerie U V, la contrefaçon s’appréciant par les ressemblances et non par les différences. Si l’œuvre de D E peut être qualifiée de composite en application de l’article L. 113-2, alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle, elle n’en respecte cependant pas le régime, les droits de l’auteur de l’œuvre préexistante n’ayant pas été respectés.

Par ailleurs, la liberté d’expression et le droit d’auteur, compris comme une composante du droit de propriété, sont l’un et l’autre des droits fondamentaux protégés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Ashby Donald et autres contre France du 10 janvier 2013, a reconnu aux États membres une marge d’appréciation importante pour mettre en balance des intérêts garantis tous deux au titre de la convention européenne, l’ingérence dans le droit à la liberté d’expression pouvant viser à assurer la protection des droits d’auteur dès lors que l’article 1 du Protocole n° 1 s’applique à la propriété intellectuelle. Il appartient aux défendeurs, qui invoquent la liberté d’expression et de création, d’établir en quoi un juste équilibre entre la protection de celle-ci et celle due au droit de D E imposait qu’il utilise les œuvres de Z F, au demeurant sans son autorisation. Or le photographe japonais indique seulement avoir pris la photographie litigieuse de façon spontanée, en se promenant dans la rue, dans une ville allemande, de sorte que l’utilisation de la photographie de Z F n’était nullement nécessaire à l’exercice de la liberté que le défendeur revendique, toute autre devanture de magasin ayant pu être prise en photographie compte tenu du style de photographie de rue qui est le sien et qui s’attache à montrer le réel sans fard. Dans ces conditions, solliciter l’autorisation préalable de l’auteur de l’œuvre préexistante ne saurait constituer une ayteinte à son droit de créer.

En l’absence d’autorisation donnée par Z F à la reproduction, la représentation et l’offre à la vente d’une œuvre reprenant intégralement la photographie qu’il a prise en 2000 et en l’absence de toute mention de son nom alors que sa paternité sur cette œuvre est établie comme démontré supra, les faits de contrefaçon sont

parfaitement établis tant à l’égard de D G , dont l’œuvre a été mise en vente, que de la société U V, qui dit avoir agi en tant que mandataire de la galerie Taka Ishii mais qui n’a versé au débat que deux contrats rédigés en anglais, intitulés « Consignment agreement » et ne concernant pas l’œuvre litigieuse, et un bon de commande auprès de cette galerie de l’œuvre litigieuse daté du 30 juillet 2011 (pièces 2 et 6 U V), ne pouvant se dédouaner de sa responsabilité en tant que galerie ayant présenté au public et mis en vente l’œuvre litigieuse sur son stand lors du salon PARIS AA. Faute d’établir qu’elle a également agi comme mandataire de D E, celle sera déboutée de sa demande de garantie formée à son encontre.

En revanche, si l’œuvre de D E reprenant intégralement la photographie de Z F a fait l’objet d’articles sur divers sites internet, il résulte des pièces 107 a) à h) produites par les demandeurs que ces articles se rapportaient à un salon consacré à la photographie, W AA AB, qui s’est tenu du 19 au 23 septembre 2012 à Amsterdam, étranger au présent litige et dans le cadre duquel ses œuvres étaient présentées par la galerie REFLEX d’Amsterdam. Les demandeurs seront par conséquent déboutés de leurs demandes en contrefaçon de ce chef.

Sur les mesures réparatrices

Outre des mesures d’interdiction d’exploiter, de reproduire et de communiquer au public la photographie contrefaisante, Z A sollicite la destruction des exemplaires et du négatif, la production par les défendeurs du détail des recettes tirées de la vente de la photographie contrefaisante, la publication du présent jugement, la somme de 85.000 euros en réparation de l’atteinte à son droit moral et la somme de 60.000 euros en réparation de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux.

La SAIF demande la réparation de son préjudice propre résultant de l’atteinte aux intérêts dont elle a statutairement la charge à hauteur de 2.000 euros.

La société U V estime que le périmètre du préjudice réparable est limité, puisqu’il exclut la réalisation de le photographie contrefaisante en 2004, son tirage en 2011 par la galerie Taka Ishii et sa représentation sur internet, notamment sur son site, en 2012, ainsi que les agissements commis par d’autres galeries qui n’ont pas été mises en cause et les dommages matérialisés hors de France, seul le préjudice résultant de l’exposition de la photographie litigieuse au salon PARIS AA étant susceptible d’être réparé. Elle considère cependant que celui-ci est inexistant, l’exposition n’ayant duré que trois jours, des milliers de photographies ayant été présentées par cent vingt-trois galeries et la photographie contrefaisante ne figurant pas dans le catalogue. Elle souligne l’inertie des demandeurs qui ont attendu près de cinq ans après cette exposition pour engager la présente action, l’absence d’atteinte au droit moral de Z F dont le nom ne figurait par sur la photographie affichée en vitrine de la boutique CARTIER saisie par D MORIYAMA, l’impossibilité de prendre en compte les factures produites par Z F pour apprécier le dommage qu’il dit avoir subi et qu’elle évalue, à titre subsidiaire, à la somme de un euro.

D E soutient que Z F n’a subi aucun préjudice patrimonial, la photographie litigieuse n’ayant jamais été vendue par la galerie U V et ayant été retirée de l’exposition dès que le demandeur a fait valoir ses droits, lequel ne justifie d’ailleurs pas des sommes demandées. Il fait valoir que les autres mesures sollicitées sont abusives et excessivement contraignantes, et ne sont justifiées par aucun impact sur la réputation du demandeur ni par le besoin légitime d’informer le public.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 33 1- 1-3 du code de la propriété intellectuelle, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

  1. Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
  2. Le préjudice moral causé à cette dernière ;
  3. Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits. Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».

En l’espèce, la photographie contrefaisante a été exposée et proposée à la vente au prix de 9 400 euros à l’occasion du salon PARIS AA qui a eu lieu du 15 au 18 novembre 2012, soit quatre jours, et également proposée à la vente sur le site internet de la galerie U V le 16 novembre 2012 (pièce 5 demandeurs), aucun élément n’établissant que cette offre s’est poursuivie au-delà de cette date et les faits de contrefaçon n’ayant pas été retenus au titre des articles parus sur différents sites internet en 2012 et restés accessibles.

Z F a produit différentes factures établissant que ses tirages sont vendus à des prix allant de 25.000 à 70.000 euros (pièce 90 à 100, 110 à 116), cependant il résulte de ces documents que la majorité des photographies ainsi vendues sont des clichés achetés par la société B VUITTON MALLETIER qui en avait commandé la réalisation, de sorte que les prix susvisés ne peuvent être pris en considération pour évaluer le préjudice patrimonial subi par le demandeur. Par conséquent, le préjudice patrimonial subi par Z F sera réparé à hauteur de la somme de 10.000 euros que les défendeurs seront condamnés AG solidum à payer.

L’absence de toute mention du nom de Z F sur le cartel accompagnant la photographie contrefaisante lors de l’exposition, ainsi que sur la page présentant cette œuvre sur le site internet de la galerie U V, porte nécessairement atteinte au droit moral du demandeur sur l’œuvre, ce d’autant plus que les défendeurs, qui ont nécessairement une connaissance extensive du monde de la photographie ne pouvaient ignorer que l’œuvre préexistante était la création d’un autre photographe et qu’elle était, au regard des attestations produites par les demandeurs (pièces 84 et 85 demandeurs), aisément identifiable comme étant l’œuvre de Z F.

Cette atteinte à son droit moral sera réparée à hauteur de 5.000 euros. Les défendeurs seront également condamnés à réparer le préjudice subi par la SAIF, en charge de la gestion des droits de représentation, de reproduction et de suite sur les œuvres de Z F à hauteur de la somme de 2.000 euros.

Par ailleurs, il sera fait interdiction aux défendeurs d’exploiter, de reproduire et de communiquer au public la photographie contrefaisante, sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte, les faits ayant été commis il y a plus de sept ans et aucun élément n’établissant la volonté des défendeurs de proposer de nouveau ce cliché à la vente.

En revanche, il n’est pas nécessaire d’ordonner la destruction sous contrôle d’huissier des exemplaires et du négatif de la photographie de D E, la mesure d’interdiction étant suffisante à prévenir la réitération des faits de contrefaçon. Il ne sera pas fait droit à la demande de production sous astreinte de la totalité des recettes tirées de la vente de cette photographie, ventilées par pays, le tribunal n’étant saisi que du préjudice matérialisé en France, ni à la demande de publication judiciaire du présent jugement, laquelle paraît inopportune pour des faits commis il y a plus de sept ans et n’ayant reçu aucun écho particulier auprès du public amateur de photographies. Enfin, il n’y a pas lieu de donner acte à D E de ce qu’il s’engage à donner instruction à la galerie japonaise qui le représente de ne pas procéder à la vente des tirages de la photographie litigicuse.

Sur les autres demandes

Les défendeurs, qui succombent, supporteront leurs propres frais et les dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Maître LAGARDE sera autorisé à recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les défendeurs seront condamnés AG solidum à payer à Z F la somme de 5.000 euros et à la SAIF la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Les circonstances de la cause justifient le prononcé de l’exécution provisoire qui apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

  • Déclare Z F-AC et la Société des Aulc_urs des
  • Arts Visuels et de l’Image Fixe recevables en leur action en contrefaçon,
  • Dit que la photographie prise par Z F, ci-dessous, bénéficie de la protection au titre du droit d’auteur,
  • Dit qu’en représentant, reproduisant et offrant à la vente la photographie « Untitled (from the series « Kyoku/crotica ») 2007 » lors du salon PARIS AA du 15 au 18 novembre 2012, D E ct la société de droit allemand U V ont commis des actes de contrefaçon des droits d’auteur dont sont titulaires Z F et la Société des Auteurs des Arts Visuels et de l’Image Fixe,
  • Condamne AG solidum la société de droit allemand U V et D E à payer à S F la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial et la somme de 5.000 euros en réparation de l’atteinte à son droit moral,
  • Condamne AG solidum la société de droit allemand U V et D E à payer à la Société des Auteurs des Arts Visuels et de l’Image Fixe, en réparation de son préjudice, la sommes de 2.000 euros,
  • Déboute la société de droit allemand U V de sa demande de garantie formée à l’encontre de D E,
  • Fait interdiction à la société de droit allemand U V ct à D E d’exploiter, de reproduire et de communiquer au public la photographie contrefaisante,,
  • Déboute Z F de sa demande de destruction des tirages et de production de pièces,
  • Déboute Z F et la Société des Auteurs des Arts Visuels et de l’Image Fixe de leur demande de publication judiciaire,
  • Condamne AG solidum la société de droit allemand U V et D E à payer à Z F la somme de 5.000 euros et à la Société des Auteurs des Arts Visuels et de l’Image Fixe la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
  • Condamne AG solidum la société de droit allemand U V et D E aux dépens, dont distraction au profit de Maître Z-B LAGARDE,

Ordonne l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 12 juin 2020

Le Greffier Le Président

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 27 novembre 2019 N° RG 19/58626

N° Portalis 352J-W-B7D-CQFA H par Pascale COMPAGNIE, 1re vice-présidente au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du N° : 1/FF Tribunal, Assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier.

Assignation du : 03 Juillet 2019

DEMANDERESSES

Société LG HAUSYS Ltd One IFC Building 10 Gukjegeumyung-ro, Yeongdeungpo-Gu SEOUL – CORÉE DU SUD

représentées par Me Claude-etienne ARMINGAUD, avocat au barreau de PARIS – #J120

DÉFENDERESSES

S.A.R.L A rue du Morellon 38070 SAINT QUENTIN FALLAVIER

représentées par Me Francois CHARPIN, avocat au barreau de LYON – Immeuble le QG – […]

Copies exécutoires délivrées le:

DÉBATS

A l’audience du 16 Octobre 2019, tenue publiquement, présidée par Pascale COMPAGNIE, 1re vice-président, assistée de Fatima AKOUDAD, Greffier,

EXPOSE DU LITIGE

La société LG HAUSYS Ltd, société de droit coréen se présente comme la maison mère du groupe LG HAUSYS, fabricant et commercialisant des matériaux et de produits en résine acrylique.

Elle se présente comme titulaire de la marque verbale française “HI-MACS” n°3160612, enregistrée le 19 avril 2002 pour des produits relevant de la classe 19, à savoir des marbres artificiels, que lui aurait cédé la société coréenne LG CHEM Ltd le 8 novembre 2018.

La société LG HAUSYS EUROPE GmbH est une société de droit allemand immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Frankfurt, spécialisée dans la fabrication et la vente de matériaux et de produits en résine acrylique. Elle expose être titulaire des marques suivantes :

  • La marque verbale communautaire “HI-MACS MyWorktop” n°017875287, enregistrée le 30 juin 2018 pour des produits relevant de la classe 1 pour des matières plastiques artificielles artificiels à l’état brut, de la classe17 pour des matières plastiques mi-ouvrées , de la classe 19 pour les produits suivants: pierres artificielles, matériaux de construction non métalliques; panneaux de construction en matières plastiques et de la classe 20, pour des meubles, panneaux de meubles, plans de travail ;
  • La marque verbale communautaire “HI-MACS Exteria” n°018042301 enregistrée le 28 mars 2019 pour des produits relevant des classes 1, 17, 19 et 20.

La société ATI est une société à responsabilité limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Vienne sous le n° 530535582, sise Rue du Morellon Zac des Chesnes Ouets à Saint-Quentin-Fallavier ( 38070), dont les gérants sont MM. X et B C, ayant pour activités « la distribution, la commercialisation, le négoce et achat-vente en gros demi-gros et au détail de tous produits matériaux, articles et accessoires dans le domaine du bâtiment et de la construction».

La société A est une société à responsabilité limitée à associé unique immatriculée au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Vienne sous le n° 328154554, sise Rue du Morellon Zac des Chesnes Ouets à Saint-Quentin-Fallavier ( 38070) dont les gérants sont MM. Y et D C, ayant pour activités « installation de laboratoires, de sanitaires et de cuisines ».

Par contrat du 20 février 2003, la société LG HAUSYS EUROPE GmbH, E F, société de droit suisse a conclu avec la société ATI, un contrat de concession exclusive pour la distribution des produits en résine acrylique sur le territoire français d’une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction par période d’un an.

Le 19 février 2003, la société LG CHEM EUROPE SARL, société de droit suisse (ayant le même siège social que la société LG HAUSYS EUROPE GmhB, E F), a conclu un contrat de concession exclusive avec la société A pour la distribution et la vente des produits de la marque française HI- MACS (résines de synthèse acrylique, produits dérivés at autres accessoires) dans 38 départements de France, l’autorisant à faire usage des marques pour la promotion et la vente de ces produits et à faire figurer le nom «LG» à côté de sa marque A, selon les directives de la société suisse LG HAUSYS EUROPE.

Le 29 mars 2011, la société LG HAUSYS EUROPE GmbH, E F et la société ATI ont conclu un contrat de concession exclusive aux fins de promouvoir, de distribuer et de vendre les surfaces en résine de synthèse acrylique désignés sous la marque française «HI-MACS» et des produits dérivés (éviers et lavabos) dans 57 départements métropolitains et collectivités ultramarines, concédant également le droit d’usage de cette marque verbale en tant qu’enseigne et raison sociale aux côtés de la dénomination ATIS ainsi que l’usage de cette marque dans les conditions définies à l’article 12 des directives de la société LG HAUSYS EUROPE GmbH, E F.

A la suite de désaccords survenus dans le cadre de leurs relations commerciales et estimant que la société ATI avait manqué à ses obligations contractuelles, la société allemande LG HAUSYS EUROPE GmhB a, par lettre recommandée du 28 septembre 2016, résilié le contrat de concession du 29 mars 2011, qui a pris fin le 29 octobre 2016.

Ayant découvert que postérieurement à la résiliation du contrat de concession du 29 mars 2011, la société ATI utilisait toujours les marques des sociétés LG HAUSYS, via l’exploitation des noms de domaine “himacs.fr”, “hi-macs.fr” et “hi-macs.eu”, par acte d’huissier en date du 3 juillet 2019, après y avoir été autorisées par ordonnance du 1er juillet 2019, les sociétés LG HAUSYS EUROPE GmbH et LG HAUSYS LTD ont fait assigner en référé devant le président du tribunal de grande instance de Paris, les sociétés ATI et A, aux fins de voir, au visa des articles L 713- 2, L 713-3 et L 716-6 du code de la propriété intellectuelle :

  • recevoir la société LG HAUSYS (sic) en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’en déclarer bien fondée ; – constater que les sociétés ATI et A effectuent des actes de contrefaçon manifestes au détriment de la société LG HAUSYS (sic); En conséquence, – faire interdiction aux sociétés ATI et A d’exploiter le site “http://himacs.fr/” sous astreinte par 3 000 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance ;
  • faire interdiction aux sociétés ATI et A de reproduire sur l’ensemble de ses sites internet (sic), y compris sur le site “http://himacs.fr/” et sur ses autres éléments promotionnels, les marques sous astreinte de 3 000 euros à compter de l’ordonnance à venir ; – faire interdiction aux sociétés ATI et A de poursuivre toute commercialisation et diffusion des produits, y compris d’organiser un grand destockage des produits, sous astreinte de 3 000 euros par produit commercialisé et par jour de retard à compter de l’ordonnance à venir et de façon générale, de cesser toute reproduction des marques de la société LG HAUSYS (sic) ; – ordonner aux sociétés ATI et A de communiquer à LG HAUSYS (sic) les noms de domaine “himacs.fr”, “hi-macs.fr” et “hi-macs.eu” sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance à venir ; – condamner solidairement les société ATI et A à verser à la société LG HAUSYS (sic) la somme provisionnelle de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, à parfaire, la société LG HAUSYS émettant toutes réserves sur le préjudice effectivement subi ; – condamner solidairement les société ATI et A au paiement des entiers dépens de la présente instance ; – condamner solidairement les sociétés ATI et A à verser à la société LG HAUSYS (sic) la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’audience du 16 octobre 2019, les sociétés LG HAUSYS EUROPE GmbH et LG HAUSYS Ltd indiquent maintenir leurs demandes tendant à l’octroi d’une provision et leurs demandes d’interdiction d’exploitation des marques dont les soiétés LG HAUSYS sont titulaires. En revanche, le conseil des demanderesses substitue à la demande tendant à constater des actes de contrefaçon, une demande tendant à constater l’atteinte vraisemblable aux marques des sociétés LG HAUSYS due à la reproduction des signes dans les noms de domaine litigieux. Il est également formé une demande subsidiaire à la demande de transfert des noms de domaine tendant à la mise sous séquestre des noms de domaine “himacs.fr”, “hi-macs.fr” et “hi-macs.eu” avec obligation de renouvellement jusqu’à l’instance au fond. Enfin le conseil des sociétés LG HAUSYS EUROPE GmbH et LG HAUSYS Ltd précise que la demande de provision se fondait uniquement sur la perte de profits et la perte de clientèle subies par ses clientes.

A cette audience, les sociétés ATI et A demandent au juge des référés de:

  • déclarer irrecevables les demandes tendant aux transferts des noms de domaine, soutenant que le juge des référés n’est pas compétent pour ordonner une telle mesure ; – rejeter les demandes faites au titre de l’atteinte vraisemblable aux marques des sociétés LG HAUSYS aux motifs que le nom de domaine “himacs.fr” est fermé depuis le 11 juillet 2019 ;
  • rejeter la demande formée au titre de la communication de l’état des stocks car celui-ci a été dûment transmis aux sociétés demanderesses ;
  • rejeter la demande de provision ainsi que les autres demandes aux motifs qu’il existe une contestation sérieuse qui nécessite d’être tranchée au fond ;
  • condamner in solidum les demanderesses à payer à la société ATI la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ils déclarent également ne pas s’opposer à la demande de mise sous séquestre avec obligation de renouvellement des noms de domaine formées par les demanderesses.

MOTIFS:

Sur l’atteinte vraisemblable aux marques des sociétés LG HAUSYS LTD et LG HAUSYS EUROPE : Les sociétés LG HAUSYS Ltd et LG HAUSYS EUROPE GmbH exposent que pour faciliter la distribution sur le territoire français de leurs produits et matériaux en résine acrylique, des contrats de concession exclusive ont été conclus le 20 février 2003 et le 29 mars 2011 avec la société ATI. Elles soulignent que ces contrats permettaient à la société ATI de faire usage de la marque française HI-MACS et qu’ainsi la société ATI a pu promouvoir les produits des demanderesses sur un site internet disponible sur le nom de domaine himacs.fr et par redirection des noms de domaine hi- macs.fr et hi-macs.eu vers ce nom de domaine. Elles font valoir que la résiliation du contrat de concession exclusive du 29 mars 2011 entraînait pour la société ATI l’obligation de cesser d’utiliser la marque HI-MACS et d’exploiter le nom de domaine précité mais qu’en dépit de nombreuses mises en demeure, la société ATI n’a pas cessé d’utiliser la marque litigieuse et d’exploiter le site internet litigieux pour commercialiser les produits des sociétés LG Hausys. Elles ajoutent que le nom de domaine himacs.fr édité par la société ATI, reproduit les marques européennes HI-MACS MyWorktop et HI-MACS Exteria; que la société ATI reproduit sur son site internet le signe HI-MACS qui est fortement similaire aux deux marques de l’Union européenne précitées, pour commercialiser des produits authentiques des sociétés demanderesses dans le cadre, selon les mentions figurant sur ce site internet, d’une opération de «Déstockage avant déménagement». Elles soutiennent que les sociétés ATI et A entretenant ainsi un risque très fort avec les produits commercialisés par les demanderesses, portent une atteinte vraisemblable aux marques HI-MACS, HI-MACS MyWorktop et HI-MACS Exteria.

En réplique, les sociétés ATI et A soutiennent que l’atteinte vraisemblable aux droits des marques des demanderesses fait l’objet d’une contestation sérieuse rendant le juge des référés incompétent puisqu’elles contestent depuis le 9 février 2017, date d’envoi d’un courrier de leur précédent conseil à la société LG HAUSYS EUROPE GmbH, l’existence d’une faute contractuelle justifiant la résiliation du contrat de concession exclusive du 23 mars 2011, demandant notamment que le stock de produits LG HAUSYS soit racheté à la société ATI ou qu’elle soit autorisée à le liquider et que le site internet www.hi-macs.eu,soit racheté à la société A pour la somme de 150.000 euros, celle-ci ayant fait de nombreux investissements de développement et de promotion.

Elles ajoutent qu’estimant cette résiliation du contrat par les demanderesses comme constitutive d’une rupture brutale des relations contractuelles, la société ATI a assigné la société allemande LG HAUSYS EUROPE GmbH devant le tribunal de commerce de Lyon.

Les défenderesses font valoir également que la société ATI a exploité le site internet www.himacs.fr pour écouler une partie des produits LG HAUSYS en stock, qu’elle a depuis lors procédé à sa fermeture et que de ce fait il n’y a plus de reproduction des marques litigieuses. Elles indiquent que la société LG HAUSYS EUROPE GmbH a tenté de se voir réattribuer le nom de domaine, propriété de la société A. Elles soutiennent que la question de savoir si le fait que le site internet marchand de la société ATI porte la mention “SITE FERME”, tout en continuant à afficher l’adresse mail et le numéro de téléphone de la société ATI serait constitutif d’actes d’exploitation relève d’une discussion de fond excédant la compétence du juge des référés.

Sur ce,

En application de l’article 9 § 2 du règlement 2017/1001, « Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque : a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée ». En application des dispositions combinées des articles 17 « application complémentaire du droit national en matière de contrefaçon », 129 « droit applicable » et 130 « sanctions » de ce règlement, si les effets de la marque communautaire sont exclusivement déterminés par les dispositions du règlement, les atteintes à une marque communautaire et leurs sanctions sont régies par le droit national concernant les atteintes à une marque nationale.

A cet égard, conformément à l’article L. 717-1 du code de propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 11 et 13 du règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire.

L’article L.716-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.

Le caractère vraisemblable de l’atteinte alléguée dépend d’une part, de l’apparente validité des titres sur lesquels se fonde l’action et d’autre part, de la vraisemblance de la contrefaçon invoquée.

Conformément à l’article L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon, qui peut être prouvée par tout moyen en application de l’article L 716-7 du même code, engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L 713-2, L 713-3 et L 713-4 du même code.

Le a de l’article L.713-2 et l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle prohibent, sauf autorisation du propriétaire respectivement la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, pour des produits ou services identiques et l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, s’il peut en résulter un risque de confusion.

Il convient en outre de rappeler que si l’enregistrement d’un nom de domaine n’est pas en soi susceptible de caractériser un acte de contrefaçon, il n’est pas, a fortiori, susceptible de constituer une atteinte vraisemblable à une marque déposée. Il faut pour qu’une telle atteinte soit constatée que le demandeur rapporte la preuve d’une exploitation réelle du nom de domaine en liaison avec des produits et services identiques ou similaires à ceux identifiés par le droit de marque antérieur.

En l’espèce les sociétés ATI et A ne contestent pas ni la titularité par la société coréenne LG HAUSYS Ltd de la marque verbale française HI-MACS enregistrée sous le n° 023160612 déposée le 19 avril 2002 par la société coréenne LG CHEM Ltd qui l’a renouvelé le 8 mars 2012 puis cédée en 2018 (cf copie de la page 465 du BOPI du 14 décembre 2018), ni la titularité par la société LG HAUSYS EUROPE GmbH, des marques de l’Union Européenne «HI-MACS MyWorktop » n°017875287 et « HI- MACS Exteria » n°018042301 pour les classes de produits 1, 17, 19 et 20.

Il résulte de l’article 12 du contrat de concession exclusive conclu le 19 février 2003 que la société suisse LG CHEM Europe SARL a autorisé à titre non exclusif, l’usage par la société A des marques désignées à l’article 1er de ce même contrat, à savoir «les marques HI-MACS, LG, ELGEE déposées en Corée et ayant fait l’objet d’enregistrement international désignant la France (…) et toutes autres marques et logos incluant ces marques détenues par les sociétés du groupe LG…» pour la vente et la promotion des produits à l’intérieur du territoire concédé (…) (Pièce ATI/A n°1). Il ressort également de la pièce ATI/A n°2 que le contrat de concession exclusive du 29 mars 2011 entre la société suisse LG HAUSYS EUROPE GmbH, E F comporte à l’article 12 une clause similaire de droit d’usage par la société ATI des marques «HI-MACS, LG, ELGEE déposées en Corée et ayant fait l’objet d’enregistrement international désignant la France (…) et toutes autres marques et logos incluant ces marques détenues par les sociétés du groupe LG…».

Ces deux contrats de concession exclusive stipulent également à l’article 15-RESILIATION, qu’à compter de la résiliation, les sociétés co-contractantes ne peuvent plus utiliser les éléments de propriété intellectuelle de la société concédante.

Il n’est pas contesté par les défenderesses que, par lettre du 28 septembre 2016, invoquant un manquement aux obligations contractuelles relatives au montant minimum de ventes, la société allemande LG HAUSYS EUROPE GmbH a informé la société ATI de la résiliation du contrat du 29 mars 2011, passé un délai de 30 jours, conformément aux stipulations des articles 15.1 et 15.2 de ce contrat. (Pièce LG n°8)

Les pièces versées aux débats établissent qu’à compter de la lettre du 10 janvier 2017 de mise en demeure de la société LG HAUSYS EUROPE GmbH adressée à la société ATI, de ne plus recourir aux noms de domaine himacs.fr et hi-macs.fr et de relier les deux domaines à son site web officiel http://himacs.eu/fr, les parties ont échangé par l’intermédiaire de leurs conseils, de nombreux courriers et mails (pièces ATI/A n°6 à 12); que d’une part, la société ATI a contesté le bien-fondé de la résiliation du contrat du 29 mars 2011, a sollicité le rachat du stock de produit, a indiqué que la société A était prête à vendre le nom de domaine himac.eu à la société LG HAUSYS EUROPE GmbH et que d’autre part, la société LG HAUSYS EUROPE GmbH a contesté le caractère brutal et injustifié de la résiliation invoqué par la société ATI, et a sommé la société ATI de ne plus faire usage des marques HI-MACS, HI-MACS MyWorktopet et HI-MACS Exteria ainsi que du nom de domaine www.himacs.fr, arguant d’actes de contrefaçon; que le courriel du 26 mars 2019 dans lequel le conseil de la société LG HAUSYS EUROPE GmbH a proposé l’établissement d’un protocole pour la reprise des produits « revendables » que la société ATI avait en stock, fait ressortir que des négociations se poursuivaient à cette date pour parvenir à une issue amiable du différend (Pièce ATI/A n°11), la société ATI ayant fait désactiver le site internet www.hi-macs.fr depuis décembre 2018 (pièce LG n°14).

Toutefois le procès-verbal de constat en date du 25 avril 2019 dressé à la demande de la société coréenne LG HAUSYS Ltd établit que la suggestion «Hi-macs-Résine acrylique naturelle, pierre naturelle de synthèse» ressortant en troisième position des résultats d’une requête sur le moteur de recherche Google en recourant au mot-clef «Hi-macs» renvoie au site himacs/fr (page 30 du procès-verbal) ; que ce site est édité par la société A dont le RCS et l’adresse du siège sont mentionnés et a pour directeur de la publication, M. X C, gérant de la société ATI, comme cela ressort des mentions légales ( pages 37 et 38 du procès-verbal); que la page d’accueil de ce site comporte en bandeau supérieur la reproduction du signe HI-MACS auquel est accolé le logo de la société ATI (page n°31 du procès-verbal); que chaque rubrique de ce site internet comporte de nombreuses reproductions de ce même signe pour présenter les produits commercialisés; que la société ATI ne conteste pas avoir procédé sur ce site à la vente d’authentiques produits des sociétés demanderesses, présents dans son stock (pièce ATI/A n° 12) La réactivation du site hi-macs.fr est également confirmée par le courrier du conseil de la société ATI en date du 18 juillet 2019 (pièce ATI/A n° 12) ainsi que par l’attestation de Monsieur H Z (pièce défendeurs n°14). Il résulte également de l’attestation de M. Z que ce n’est que le 11 juillet 2019 soit à une date postérieure à la délivrance de l’assignation du 3 juillet 2019, que le site htpp://hi-macs.fr a été mis en maintenance.

Par ailleurs, alors qu’elle conteste les conditions de la rupture des relations contractuelles et justifie la poursuite de l’exploitation de son site marchand par la résiliation irrégulière du contrat de concession du 29 mars 2011, il y a lieu de relever que la société ATI ne produit qu’un projet d’introduction d’une instance devant le tribunal de commerce de Lyon (pièce n°13) aux termes de laquelle elle sollicite la condamnation de la société allemande LG HAUSYS EUROPE GmbH au paiement de diverses sommes en réparation des préjudices subis du fait de la rupture abusive des relations contractuelles.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, plus de deux ans après la résiliation du contrat de concession du 29 mars 2011, la société ATI faisait la promotion et commercialisait des produits identiques à ceux commercialisés par les sociétés demanderesses, en reproduisant à l’identique le signe HI-MACS, à de nombreuses reprises sur son site internet marchand désigné par le nom de domaine htpp://himacs.fr, créant ainsi un risque de confusion auprès du consommateur moyen, normalement informé recherchant des produits constitués de résine de synthèse acrylique imitant la pierre naturelle commercialisés par les sociétés demanderesses sous leurs marques française et européennes. Il ressort également que le nom de domaine himacs.fr dont la société A ne conteste pas être titulaire, reproduit le signe verbal HI-MACS, quant au nombre de lettres et de syllabes, l’absence du trait d’union présent dans la marque verbale française étant sans incidence sur la sonorité de ce signe ainsi que les marques verbales communautaires “HI-MACS MyWorktop” et “HI-MACS Exteria” qui présentent de nombreuses similitudes avec le signe HI-MACS en raison de la reproduction en attaque les éléments déterminants HI-MACS. Dès lors sont établies des atteintes vraisemblables, au sens de l’article L.716-6 du code de la propriété intellectuelle, aux droits de la société LG HAUSYS Ltd sur la marque française verbale HI- MACS n°3160612 et aux droits de la société LG HAUSYS EUROPE GmbH sur la marque verbale communautaire “HI- MACS MyWorktop” n°017875287 et sur la marque verbale communautaire “HI-MACS Exteria” n°018042301.

Sur les provisions en réparation de l’atteinte vraisemblable aux marques : Les sociétés LG HAUSYS EUROPE GmbH et LG HAUSYS LTD sollicitent l’octroi d’une somme provisionnelle de 50.000 euros à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice résultant de la perte de clientèle et de l’atteinte à l’image de leurs marques résultant du « Grand déstockage avant déménagement» entrepris par la société ATI.

En réplique la société ATI et la société A font valoir que pour apprécier l’existence d’un préjudice éventuel des demanderesses il est nécessaire de porter une appréciation sur l’ensemble des différends existants entre les parties. Elles soutiennent que la rupture brutale de plus de 15 ans de relations contractuelles constitue une contestation sérieuse faisant obstacle à l’octroi d’une provision.

Sur ce,

En application de l’article L. 716-14 du code de propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

  1. Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
  2. Le préjudice moral causé à cette dernière ;
  3. Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

En l’espèce pour établir l’existence d’un préjudice découlant d’une perte de clientèle et de l’atteinte à l’image des marques litigieuses, les sociétés demanderesses invoquent une opération de déstockage des produits LG HAUSYS par la société ATI.

S’il n’est pas contesté par les défenderesses qu’elles ont commercialisé les produits de leurs stocks qui n’étaient ni dégradés par le temps, ni endommagés entre le 25 mars 2019, date de réactivation du site himacs.fr et le 11 juillet 2019, date de mise en maintenance de ce site, les sociétés demanderesses ne versent cependant aucune pièce établissant les conditions précises de cette commercialisation, ni l’atteinte à l’image de leurs marques qui en serait découlée, la pièce n°19 invoquée pour démontrer l’existence d’une telle opération de vente à perte ne figurant ni sur le bordereau des pièces communiquées, ni dans le dossier remis lors de l’audience.

Dès lors les sociétés LG HAUSYS EUROPE GmbH et LG HAUSYS LTD seront déboutées de leur demande de provision.

Sur les mesures d’interdiction :

La vraisemblance des atteintes aux marques des demanderesses sur le site internet www.himacs.fr étant établie, il sera fait droit aux mesures d’injonction sous astreinte, d’interdiction de tout usage du signe Hi-MACS et des signes HI-MACS MyWorktop et HI-MACS Exteria, par les sociétés A et ATI selon les modalités fixées dans le dispositif de la présente décision, afin d’empêcher la poursuite ou la reprise des actes délictueux.

Sur les demandes relatives aux noms de domaine hi-macs.fr, himacs.fr et hi-macs.eu :

Les sociétés demanderesses sollicitent le transfert des noms de domaine hi-macs.fr, himacs.fr et hi-macs.eu sous astreinte de 3.000 euros de retard à compter de l’ordonnance à venir. Subsidiairement elles sollicitent la mise sous séquestre de ces trois sites et leur renouvellement par la société A jusqu’à l’issue de l’instance au fond à venir.

La société A ne conteste pas être titulaire des noms de domaine hi-macs.fr, himacs.fr et hi-macs.eu. Elle s’oppose au transfert des noms de domaine estimant qu’une telle mesure ne peut être prononcée par le juge des référés. En revanche elle déclare ne pas voir d’objection à les maintenir inactif et à ce qu’il lui soit ordonné de les renouveler jusqu’à la fin de l’instance au fond.

Sur ce,

Aux termes de l’article L.716-1 du code de la propriété intellectuelle, le juge des référés peut ordonner toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite de la contrefaçon.

En l’espèce les sociétés demanderesses ne versent aux débats aucun élément permettant d’établir que les sites désignés par les noms de domaine himacs.eu et hi-macs.fr offrent des produits identiques, soit similaires à ceux visés dans l’enregistrement de la marque française verbale HI-MACS n°3160612, de la marque verbale communautaire “HI-MACS MyWorktop” n°017875287 et de la marque verbale communautaire “HI-MACS Exteria” n°018042301 et de nature à entraîner un risque de confusion dans l’esprit du public. Elles seront ainsi déboutées de leur demande principale de transfert et subsidiaire de séquestre de ces noms de domaine.

Au regard des atteintes vraisemblables aux droits des sociétés demanderesse, il apparaît proportionné d’ordonner à la société A de suspendre le nom de domaine himacs.fr selon les modalités fixées dans le dispositif de la présente décision et de procéder au renouvellement dudit nom de domaine jusqu’à l’issue de la procédure au fond.

Sur la demande d’information :

Les sociétés LG HAUSYS EUROPE GmbH et LG HAUSYS Ltd sollicitent la communication de l’état définitif des ventes réalisées depuis 2016 et des stocks à date.

En réplique la société ATI et la société A concluent au débouté de la demande d’information soulignant avoir d’ores et déjà communiqué un état des stocks et faisant valoir que la demande de communication de l’état des ventes définitif n’entre pas dans le champ des mesures pouvant être prononcées au titre de l’article L.716-6 du code de la propriété intellectuelle.

Il ressort des pièces versées au débat que la société ATI a d’ores et déjà communiqué à plusieurs reprises un inventaire des stocks de produits détenus au conseil des demanderesses (pièces 16 et 17), que cependant les chiffres présentés dans chaque document ne semblent pas cohérents et ne permettent pas aux demanderesses d’établir l’étendue des actes de contrefaçon invoqués. Il sera donc ordonné la communication par la société ATI d’un inventaire de ses stocks de produits LG HAUSYS pour la période allant du 30 octobre 2016, date de la résiliation du contrat de concession au jour du prononcé de la présente ordonnance. Il ne sera en revanche pas fait droit à la demande de production d’un état des ventes définitif.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile : Les société ATI et A qui succombent, supporteront les entiers dépens de la présente instance.

Les sociétés ATI et A seront condamnées in solidum à payer aux sociétés LG HAUSYS EUROPE GmbH et LG HAUSYS LTD, qui ont dû engager des frais au titre de leurs intérêts en justice, la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles

PAR CES MOTIFS, Le juge des référés,

Statuant en référé, publiquement, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

  • Fait interdiction aux sociétés ATI et A de faire usage dans la vie des affaires de la marque française verbale HI-MACS n°3160612, de la marque verbale communautaire “HI-MACS MyWorktop” n°017875287 et de la marque verbale communautaire “HI-MACS Exteria” n°018042301 sous astreinte de 300 euros par infraction constatée, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision et pendant une durée de six mois à compter de cette signification ;
  • Enjoint sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d’un mois après la signification de la présente ordonnance et pour une durée de trois mois suivant cette signification, à la société ATI de communiquer aux sociétés LG HAUSYS EUROPE GmbH et LG HAUSYS Ltd un état des stocks des produits LG HAUSYS pour la période allant du 30 octobre 2016 au 27 novembre 2019 ;
  • Ordonne la suspension par les sociétés ATI et A de l’exploitation du nom de domaine himacs.fr sous astreinte de 300 euros par jour de retard , passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision et pendant une durée de six mois à compter de cette signification et ordonne à la société A de procéder aux démarches nécessaires pour le renouvellement du nom de domaine himacs.fr ;
  • Se réserve la liquidation des astreintes prononcées ;
  • Déboute les sociétés LG HAUSYS EUROPE GmbH et LG HAUSYS Ltd de leurs demandes de transfert des noms de domaines, d’octroi d’une provision et de communication d’un état définitif des ventes ;
  • Condamne les sociétés ATI et A à payer in solidum aux sociétés LG HAUSYS EUROPE GmbH et LG HAUSYS Ltd la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
  • Condamne les sociétés ATI et A aux dépens de cette instance ;
  • Rappelle que l’exécution provisoire est de plein droit.

Fait à Paris le 27 novembre 2019

Le Greffier, Le Président,

Fabienne FELIX Pascale COMPAGNIE

Si la confiance n’exclut pas le contrôle, le contrôle ne saurait non plus outrepasser certains principes essentiels aux droits des salariés et caractériser la défiance de l’employeur à l’égard de ces derniers. 

Les systèmes de géolocalisation peuvent apparaître, a priori, comme une mesure utile et nécessaire de contrôle du temps de travail, par l’employeur, de ses salariés pour vérifier le respect des dispositions légales et conventionnelles et identifier les dépassements. 

Pourtant, derrière l’intérêt certain de tels dispositifs, un régime juridique protéiforme encadre leur utilisation, comme autant de garde-fous pour la vie privée des salariés. Un arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 2018 (pourvoi n°17-14.631, « l’Arrêt ») , à l’encontre de la société Médiapost, filiale du Groupe La Poste, est venu préciser ces limites.

(suite…)

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 20 septembre 2018 – Pôle 1 – Chambre 2 (n° 413 , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/14810 Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 juillet 2017 – Président du TGI de PARIS – RG n° 17/02934

APPELANTES SAS SAINT HERBLAIN AUTOMOBILES agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège […] 44800 SAINT HERBLAIN N° SIRET : 303 766 067 SAS RESEAUX IMPULXION agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège […] 44800 SAINT HERBLAIN N° SIRET : 448 230 235 Représentées par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 Assistées par Me Renaud B de la SCP BERTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J062 et Me M LE LUHERNE, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE Société HYUNDAI MOTOR COMPANY prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège 231 Yangjae-Dong Sheocho-Gu – 137-938 SEOUL / REPUBLIQUE DE COREE Représentée par Me Claude-Etienne ARMINGAUD du PARTNERSHIPS K & L GATES L, avocat au barreau de PARIS, toque : G0118 Assistée par Me Claude-Etienne A et Me Olivia R du PARTNERSHIPS K & L GATES L, avocat au barreau de PARIS, toque : G0118

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 juin 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Bernard CHEVALIER, Président, chargé du rapport, et Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Bernard CHEVALIER, Président Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre Qui en ont délibéré Greffier, lors des débats : M. Aymeric P

(suite…)

Tribunal de Grande Instance de Paris, 3e chambre 1re section

N° RG : 16/14873

Assignation du : 13 octobre 2016

INCIDENT – ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 16 novembre 2017

DEMANDERESSE

Société HYUNDAI MOTOR COMPANY

231 Yangjae-Dong

Seocho-Gu

représentée par Maître Claude-etienne ARMINGAUD du PARTNERSHIPS K & L GATES LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J120

DEFENDERESSES

Société LA SAS X Y, INTERVENANTE VOLONTAIRE

S.A.S. SAINT-HERBLAIN AUTOMOBILES

représentées par Maître Renaud BERTIN de la SCP BERTIN-URION, avocats au barreau de PARIS,vestiaire J 62, Maître Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #K0111, Me Morgane LE LUHERNE, avocat au barreau de NANTES,

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT : Julien. RICHAUD, Juge

assisté de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier

DEBATS

A l’audience du , avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 16 Novembre 2017.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire en premier ressort

Nous, Monsieur Julien RICHAUD, juge de la mise en état, assisté de Marie-Aline PIGNOLET, greffier,

Vu les articles 377 à 380 et 771 du code de procédure civile ;

Attendu que dans ce cadre, le juge de la mise en état est compétent pour prononcer un sursis à statuer; que cette décision, qui ne dessaisit pas le tribunal, suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine, l’instance étant poursuivie à l’expiration du sursis à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis ; que le juge peut suivant les circonstances révoquer le sursis ou en abréger le délai.

Vu l’assignation signifiée le 13 octobre 2016 par la société HYUNDAI MOTOR COMPANY à l’encontre des sociétés SAINT-HERBLAIN AUTOMOBILES et X Y;

Vu les conclusions d’incident aux fins de susris à statuer notifiées par les sociétés SAINT-HERBLAIN AUTOMOBILES et X Y le 29 septembre 2017 motivées par les appels interjetés le 21 juillet 2017 contre les ordonnances de référé rétractation du 6 juillet 2017;

Vu les conclusions d’incident en réplique notifiées le 23 octobre 2017 par la société HYUNDAI MOTOR COMPANY qui ne s’opppose pas à la demande au motif qu’elle n’entend pas retarder inutilement le cours de la procédure;

Attendu qu’en l’absence d’opposition de la demanderesse, il sera fait droit à la demande de sursis ; que les dépens seront réservés à l’examen du fond de l’affaire par le tribunal;

PAR CES MOTIFS

Ordonnons le sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties jusqu’à ce que la cour d’appel de Paris ait rendu ses décisions sur les appels interjetés contre les ordonnances de référé rétractation du 6 juillet 2017 (procédure d’appel RG 17/14871, 17/14810, 17/14812, 17/14885 et […]

Renvoyons l’affaire à l’audience de mise en état du 15 mai 2018 à 10heures pour faire le point sur l’avancement de la procédure d’appel et disons que si les décisions attendues étaient rendues à une date antérieure, l’instance serait reprise à l’initiative de la partie la plus diligente ;

Rappelons aux sociétés SAINT-HERBLAIN AUTOMOBILES et X Y qu’au regard du temps déjà écoulé depuis les dernières conclusions en demande, un bref délai leur sera accordé pour conclure au fond dès la reprise de l’instance;

Réservons les dépens à l’examen du fond du litige par le tribunal.

Faite et rendue à Paris le 16 Novembre 2017

Le Greffier Le Juge de la mise en état

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION rendue le 06 juillet 2017, 3e chambre 4e section N° RG : 17/02934

Assignations des 27 janvier 2017,13 avril 2017

DEMANDERESSES S.A.S SAINT HERBLAIN AUTOMOBILES […] 44800 ST HERBLAIN

S.A.S RESEAUX IMPULXION […] 44800 ST HERBLAIN agissant poursuites et diligences de leurs représentants légaux domiciliés ès qualités aux dits sièges et toutes deux représentées par Maître Renaud BERTIN de la SCP BERTIN-URION, avocats au barreau de PARIS, vestiaire J 62, Maître Anne G de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #K0111, et Maître M LE LUHERNE, avocat au barreau de NANTES

DÉFENDERESSE Société HYUNDAI MOTOR COMPANY 231 Yangjae-Dong Sheocho-Gu, Séoul, 137-938 RÉPUBLIQUE DE CORÉE prise en la personne de son représentant légal et représentée par Maître Claude-Etienne ARMINGAUD du PARTNERSHIPS K&L GATES L, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0120

DÉBATS Laurence L, Vice-Présidente assistée de Ahlam C, Greffier

AUDIENCE À l’audience du 03 mai 2017, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 06 juillet 2017.

ORDONNANCE Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

La société de droit coréen HYUNDAI MOTOR COMPANY (ci-après HYUNDAI) est titulaire de diverses marques françaises, de l’Union Européenne et internationales. La société SAINT-HERBLAIN AUTOMOBILES (ci-après SHA), indique être une entreprise familiale qui exerce une activité de revente de véhicules particuliers et utilitaires récents et d’occasion toutes marques auprès d’une clientèle de particuliers et de professionnels. Elle précise disposer d’un réseau de partenaires distributeurs exploité sous les labels « DISTINXION et 0 KM » par la société RESEAUX IMPULXION (ci-après RI) et s’approvisionner entre autres auprès de deux fournisseurs importants implantés en Belgique, les sociétés QUADRIGA et CARCONNEX. Le 7 septembre 2016, la société HYUNDAI a présenté au magistrat de permanence sur délégation de Monsieur le président du Tribunal de grande instance, cinq requêtes gracieuses aux fins d’ordonnances sollicitant d’une part des mesures d’interdictions et d’autre part des mesures s’apparentant à des mesures de saisies contrefaçon. Par cinq ordonnances, toutes rendues le 7 septembre 2016, le magistrat délégué n’a pas fait droit aux mesures d’interdiction sollicitées mais a fait droit à certaines des autres mesures demandées. Chacune des ordonnances a ainsi autorisé des opérations de saisie- descriptive dans chacun des cinq lieux susvisés, et autorisé la société HYUNDAI à faire procéder par tous huissiers territorialement compétents de son choix à la description d’actes de contrefaçon concernant les véhicules HYUNDAI commercialisés sous les marques au siège et dans les trois établissements précités de SHA ainsi qu’au siège de RI.

Les ordonnances ont ainsi :

  • -Autorisé l’Huissier à faire une description détaillée des Véhicules Contrefaisants et de l’ensemble des véhicules Hyundai présents, en ce inclus une description par écrit et des photographies (ou, si nécessaire, des descriptions par tous moyens supplémentaires, tels que le dessin, le film vidéo, la capture d’écran, etc.) de leur présentation, ainsi que de tous signes et dénominations imprimés sur les Véhicules Contrefaisants et de l’ensemble des véhicules Hyundai présents et notamment leurs Numéros VIN respectifs;
  • -Autorisé l’Huissier à réaliser la copie, que ce soit par la description à l’écrit, par des photographies, des photocopies, ou tout autre moyens de reproduction (en ce inclus les outils informatiques tels que la clé USB ou un disque dur externe) de tous documents ou traces écrites techniques, comptables ou commerciales tels que les ordres de service, les plans, les notes techniques, les manuels d’instruction, les registres, les contrats, les catalogues, les prospectus, la correspondance, les livres, les factures, et les documents douaniers liés aux Véhicules Contrefaisants et de l’ensemble des véhicules Hyundai présents ainsi que tous documents (sur tous supports, en ce inclus les ordinateurs) sur lesquels il peut être fait référence au produit objet de la contestation et pouvant révéler l’origine, la destination, la quantité (vendue ou en stock), ainsi que le prix de revente des Véhicules Contrefaisants et de l’ensemble des véhicules Hyundai présents et l’identité de leur fournisseur. Une copie de chaque document sera délivrée au greffe du tribunal ainsi qu’à la société Hyundai Motor Company 
  • Autorisé l’Huissier à faire la description détaillée de tous les Véhicules Contrefaisants et de l’ensemble des véhicules Hyundai présents en ce inclus une description écrite et des photographies (ou si nécessaire, une description par tous moyens supplémentaires tels que le dessin, le film vidéo, la capture d’écran, etc.) de leur présentation, ainsi que de tous les signes et dénominations imprimés sur les véhicules Contrefaisants et de l’ensemble des véhicules Hyundai présents, en particulier leur Numéro VIN respectif

EN TOUTES HYPOTHESES,

  • -Autorisé l’Huissier à enregistrer tous les mots prononcés au cours des opérations qui sont nécessaires à l’exécution de leurs missions, et à rédiger un rapport écrit rassemblant toutes les informations collectées 
  • Autorisé l’Huissier, en l’absence de produits contrefaisants sur les Lieux, à poursuivre les opérations 
  • Autorisé l’Huissier à effectuer toutes investigations supplémentaires ainsi que les recherches pertinentes afin de découvrir la nature, l’origine, l’étendue et la durée de la contrefaçon 
  • Autorisé l’Huissier à compulser et parapher ne varietur sur tous les documents liés aux contrefaçons trouvées sur les lieux 
  • Autorisé les Huissiers à être assistés par un expert un ou un consultant en Droit de la Propriété Industrielle et/ou un photographe choisi par la requérante 
  • Ordonné aux Huissiers de rédiger un rapport des saisies et descriptions faites, qui devra inclure les documents saisis ou leurs copies en annexe et à en remettre une copie a Hyundai Motor Company 
  • Ordonné aux Huissiers d’exécuter les opérations de saisie dans un délai de deux mois, à défaut de laquelle la présente ordonnance serait considérée comme nulle 
  • Dit la présente ordonnance exécutoire en tout ou partie au seul vu de la minute, nonobstant toute opposition du Distributeur Litigieux. Par cinq assignations toutes délivrées le 27 janvier 2017 au domicile du conseil de la société HYUNDAI et le 13 avril 2017 selon les formalités prévues pour une délivrance en République de Corée, les sociétés SHA et RI ont assigné la société HYUNDAI en « Référé- Rétractation » afin qu’il soit à titre principal prononcé la rétractation, pour les mêmes motifs et dans les mêmes conditions, des cinq ordonnances rendues sur requêtes susvisées.

Les sociétés SHA et RI sollicitent ainsi du juge de la rétractation :

  • Rétracter l’ordonnance RG N° 16/3106 rendue le 7 septembre 2016 par le Président du tribunal de grande instance de Paris ;
  • Surabondamment, constater la nullité des mesures provisoires ordonnées ;
  • Interdire à la société de droit coréen HYUNDAI MOTOR COMPANY de faire quel qu’usage que ce soit des constats d’huissier effectués en exécution des ordonnances rétractées ainsi que de toutes les pièces et informations contenues dans ces constats ou appréhendées à l’occasion de l’exécution des dites ordonnances, et ce sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée ;
  • Se réserver la liquidation de cette astreinte ;
  • Ordonner la restitution immédiate de l’ensemble des pièces saisies dans les locaux de la société SAINT HERBLAIN AUTOMOBILES, ainsi que dans chacun de ses établissements secondaires, que ces pièces saisies soient en possession des huissiers instrumentaires, des conseils de la société HYUNDAI MOTOR COMPANY, de cette dernière ou de toute entité/filiale de la société HYUNDAI MOTOR COMPANY;
  • Assortir cette interdiction d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard passée la signification de l’ordonnance à intervenir, Condamner la société HYUNDAI MOTOR COMPANY à verser à la société SAINT HERBLAIN AUTOMOBILES et à la société RESEAUX IMPULXION, et à chacune : 30.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
  • La condamner en outre au paiement d’une amende civile conformément à l’article 32-1 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. La société HYUNDAI par cinq jeux de conclusions en défense sollicite le rejet des demandes présentées par les sociétés SHA et RI et leurs condamnations aux dépens et à une somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les plaidoiries se sont tenues le 3 mai 2017 et la présente ordonnance est rendue dans les mêmes termes pour les cinq procédures de référés enregistrées respectivement sous les numéros RG17/2925, RG 17/2928, RG17/2934, RG17/2937 et RG17/2943. MOTIVATION Le premier alinéa de l’article 494 du code de procédure civile dispose: « La requête est présentée en double exemplaire. Elle doit être motivée. Elle doit comporter l’indication précise des pièces invoquées. » L’article 496 du même code prévoit :

« S’il n’est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l’ordonnance n’émane du premier président de la cour d’appel. Le délai d’appel est de quinze jours. L’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. S’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance. » ; et l’article 497 : « Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire ». Le juge saisi d’une demande de rétractation est investi des mêmes attributions que celles dont il disposait lorsqu’il a rendu la décision dont il est demandé la rétractation. Il doit statuer à nouveau sur les mérites de la requête initiale, après débat contradictoire, et apprécier si les conditions d’autorisation de la mesure étaient remplies au moment où il a statué. Sur l’absence de justification de l’exigence de déroger au principe du contradictoire Le code de la propriété intellectuelle prévoit que deux catégories de mesures peuvent être sollicitées par le titulaire de droits de marque et ordonnées avant tout procès au fond :

  • Soit des mesures provisoires pour faire cesser une atteinte aux droits (art. L.716-6) ;
  • Soit des mesures probatoires de constatations et de saisies (art. L.716-7).

Les requêtes présentées par la société HYUNDAI sollicitaient tout à la fois des mesures d’interdiction ressortant de l’article L716-6 que des mesures probatoires de l’article L716-7 mais ne visaient que l’article L716-6 comme fondement légal. Les ordonnances rendues sur requêtes critiquées par les assignations en référé rétractation visent également, comme le faisaient les requêtes le seul article L716-6 et non l’article L716-7 du code de la propriété intellectuelle qu’elles auraient dû mentionner. Les sociétés SHA et RI soutiennent que dès lors que la société HYUNDAI avait fondé ses demandes d’ordonnances sur requête sur l’article L716-6 et non sur l’article L716-7 du code de la propriété intellectuelle, elle devait justifier d’un motif nécessaire de dérogation au principe du contradictoire. Pour autant toutes les mesures ordonnées par le magistrat, une fois qu’il a été clairement refusé de faire droit aux mesures d’interdiction qui avaient été demandées, ressortent des mesures probatoires de l’article L716-7 et non de l’article L716-6 du code de la propriété intellectuelle.

Le visa du seul article L716-6 du code de la propriété intellectuelle repose sur une erreur alors que les mesures décidées par le magistrat ressortent de l’application de l’article L716-7. Ainsi s’agissant de mesures de saisie contrefaçon descriptive qui étaient ordonnées la preuve de la nécessite de déroger au contradictoire n’avait pas à être apportée. Il n’y a pas lieu de ce chef à faire droit à la demande de rétractation. Sur la nullité invoquée des ordonnances rendues sur requête Les sociétés SHA et RI reprochent aux ordonnances critiquées d’avoir dépassé le cadre légal des dispositions de l’article L716.6 du code de la propriété intellectuelle en vertu duquel le juge avait été saisi. Elles indiquent que ces ordonnances encourent de ce chef l’annulation pure et simple et en tout état de cause la rétractation. Il a en effet été indiqué ci-dessus l’erreur de visa des mesures ordonnées. Pour autant, il n’est pas du ressort du juge de la rétractation de se prononcer sur une éventuelle nullité de l’ordonnance prononcée par le juge des requêtes.

Sur la nullité invoquée des mesures exécutées en vertu des ordonnances rendues le 7 septembre 2013 Les sociétés SHA et RI font également valoir la nullité des opérations pratiquées au vu des ordonnances rendues sur requêtes pour défaut d’assignation des sociétés SHA et RI dans le délai « de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce délai est plus long, à compter de la date de l’ordonnance » fixé par l’article R 716-1 du code de la propriété intellectuelle. Elles soulignent que l’article R716-1, qui s’applique au délai de l’article L716-6, court de l’ordonnance prononcée alors que l’article R716-4, relatif au délai applicables aux mesures de l’article L716-7 a pour point de départ le jour des opérations de saisies ou description. Cependant, il n’est pas non plus de la compétence du juge de la rétractation de statuer sur l’annulation des opérations qui se sont déroulées postérieurement à l’ordonnance qui les a autorisées.

Sur la demande de rétractation sollicitée au vu des éléments nouveaux apportés par les sociétés SHA et RI

Les sociétés SHA et RI soutiennent que les informations qui avaient été données au juge des requêtes étaient mensongères et qu’il n’était

apporté aucun élément permettant de convaincre le magistrat qu’un ou des actes de contrefaçon avaient été commis, que le principe de l’épuisement des droits aurait dû convaincre le magistrat du caractère licite de l’importation des véhicules en France et notamment s’agissant du véhicule dont le code VIN avait été identifié comme étant TMA J3815AG157272.

Cependant, la société HYUNDAI a pris soin de fournir à l’appui de sa requête des éléments constitutifs d’un commencement de preuve de la contrefaçon alléguée. La société HYUNDAI a constaté au sein des locaux de la société SAINT HERBLAIN la présence de plusieurs véhicules portant ses marques, et a relevé sur l’un d’entre eux un numéro VIN lequel indiquait le consentement de la société HYUNDAI à la commercialisation de ce véhicule en dehors du territoire de l’Union européenne.

De plus, la société HYNDAI justifie que par le numéro VIN, il lui est possible de procéder à la vérification de la provenance du véhicule, mais également de la zone géographique à laquelle il est destiné à être commercialisé. Les opérations n’avaient pas pour but de vérifier le numéro VIN inscrit sur le véhicule sur lequel avait été précédemment constaté l’inscription d’un numéro VIN ne correspondant pas à la zone géographique sur laquelle il devait être commercialisé, ce modèle étant déjà connu.

L’objet des mesures ordonnées par le juge des requêtes était de pouvoir faire relever par huissier de justice les numéros VIN des autres véhicules portant les marques de la société HYUNDAI présents sur les sites sur lesquels les opérations de saisie-contrefaçon descriptives étaient ordonnées. Contrairement à ce qu’allèguent les sociétés SHA et RI, l’obtention des certificats de conformité des véhicules par le biais de la mesure de saisie-contrefaçon aurait été indifférente puisque ceux-ci sont délivrés par le constructeur lui-même et reprennent le numéro VIN des véhicules de la série concernée.

Le but recherché par le biais de la requête était bien d’obtenir le numéro VIN des véhicules porteurs des marques de la société HYNDAI en vue de procéder à la vérification que ceux-ci étaient bien destinés à un marché hors du territoire de l’Union Européenne afin de tenter de démontrer les actes de contrefaçon par la commercialisation des véhicules sur le territoire de l’Union Européenne sans le consentement du titulaire des marques.

Il apparaît, après débat contradictoire, que les conditions d’octroi des mesures telles qu’elles ont été ordonnées par le juge des requêtes étaient bien remplies. Les arguments sur la réalité de la contrefaçon et sur le caractère licite ou illicite de l’importation en France des véhicules ressortent de la compétence du tribunal. Il ne sera pas fait droit à la demande de rétractation présentée par les sociétés SHA et RI.

Sur les autres demandes

Les sociétés SHA et RI qui succombent en leur procédure de référé rétractation seront déboutées de leurs demandes d’interdiction, de restitution, de dommages et intérêts pour procédure abusive, de condamnation au titre de ses frais irrépétibles et d’amende civile. Elles seront condamnées aux entiers dépens de la présente procédure de référé-rétractation. L’équité commande qu’elles soient en outre condamnées in solidum à payer à la société HYUNDAI la somme de 500 euros par procédure de référé-rétractation engagée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, la vice-présidente statuant en la forme des référés par mise à disposition de la décision au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

  • Disons irrecevables les demandes de nullité de l’ordonnance RG n° 16/3106 rendue sur requête le 7 septembre 2016 et des opérations exécutées en vertu de celle-ci,
  • Disons recevable mais mal fondée la demande de rétractation de l’ordonnance RG n° 16/3106 du 7 septembre 2016,
  • Déboutons les sociétés SAINT HERBLAIN AUTOMOBILES et RESEAUX IMPULXION de leurs demandes d’interdiction, de restitution, de dommages et intérêts pour procédure abusive, de condamnation au titre de ses frais irrépétibles et d’amende civile,
  • Condamnons les sociétés SAINT HERBLAIN AUTOMOBILES et RESEAUX IMPULXION à payer la somme de 500 euros à la société HYUNDAI MOTOR COMPANY pour la présente procédure de référé rétractation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
  • Condamnons les sociétés SAINT HERBLAIN AUTOMOBILES et RESEAUX IMPULXION aux entiers dépens de la présente procédure de référé rétractation,
  • Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire.

La Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE ») a confirmé la protection accordée à la dénomination sociale de la société française « Forge de Laguiole », mais exclusivement pour les activités effectivement exercées par elle à la date d’enregistrement de la marque, conformément à la jurisprudence française applicable.

(suite…)

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS ORDONNANCE rendue le 18 novembre 2016 – RETRACTATION – 3e chambre 2e section N° RG : 16/15602

Assignation du 02 novembre 2016

DEMANDERESSE Société STAR’TERRE […] 69190 ST FONS représentée par Maître Thomas CUCHE de la SCI’ DUCLOS T MOLLET-VIEVILLE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0075

DEFENDERESSE Société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY 231 Yangjac- Dong S Séoul 137-938 COREE représentée par Maître Claude-Étienne ARMINGAUD du PARTNERSHIPS K & L GATES L, avocats au barreau de PARIS, vestiaire //G0118

Nous, François A, Premier Vice-Président adjoint, agissant sur délégation de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de PARIS ; assisté de Jeanine R, Faisant fonction de Greffier

DEBATS À l’audience du 09 novembre 2016, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 18 novembre 2016.

ORDONNANCE Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS PROCÉDURE PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY se présente comme une société ayant une activité dans l’industrie automobile et disposant d’un réseau de distribution sélective au sein de l’Espace Économique Européen (EEE) et de la Suisse. La société STAR’TERRE se présente comme un acteur du marché de l’automobile en France qui a pour activité notamment la vente de véhicule terrestres.

Ayant découvert que la société STAR’TERRE proposait à la vente sur le territoire français un véhicule de marque HYUNDAI qui n’était pas destiné au marché de l’EEE mais au marché albanais, la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY a déposé une requête devant le président du tribunal de grande instance de Paris, aux fins d’être autorisée à pratiquer une saisie contrefaçon au siège de la société STAR’TERRE situé […].

Par ordonnance en date du 21 octobre 2016, le président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY à faire procéder par tout huissier territorialement compétent de son choix à une saisie contrefaçon sur le fondement des articles L. 716-1 et L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle. Par actes des 2 et 3 novembre 2016, la société STAR’TERRE a fait citer la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY, devant ce même juge pour une audience autorisée le 9 novembre 2016, aux fins de voir, au visa des articles 496 du code de procédure civile et R. 716-5 du code de la propriété intellectuelle, rétracter ladite ordonnance et en conséquence de voir :

  • Ordonner la mainlevée totale des mesures de saisies contrefaçon autorisées par l’ordonnance du 21 octobre 2016 ayant été suivies des opérations de saisie contrefaçon du 25 octobre 2016 ;
  • Ordonner la restitution à la société STAR’TERRE de toutes les pièces et de tous les documents saisis le 25 octobre 2016 et le cas échéant détenus par l’huissier lors des opérations de saisie- contrefaçon du 25 octobre 2016, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, et à défaut sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour de retard à l’issue de ce délai ;
  • Réserver la liquidation de l’astreinte ;

À titre subsidiaire,

  • Ordonner à l’Huissier de justice de placer sous enveloppe scellée la copie écran et les fichiers excels saisis et le cas échéant ordonner à la société HYUNDAI MOTOR COMPAGN Y de restituer ces documents à l’huissier et interdire à la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY d’utiliser les informations contenues dans ces documents ;
  • Condamner la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY à payer à la société STAR’TERRE la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens. Au soutien de sa demande rétractation, la société STAR’TERRE soutient que le président du tribunal de grande instance de Paris était incompétent territorialement pour autoriser une mesure de saisie contrefaçon sur la base des marques internationales désignant la France au siège d’une société dépendant du ressort du tribunal de grande instance de LYON, estimant qu’il n’est pas prévu que la compétence exclusive en matière de marques françaises et internationales désignant la France puisse être étendue, au titre de la connexité, à une demande au titre d’une marque européenne et inversement. La société STAR’TERRE ajoute que la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY n’a pas justifié devant le juge de sa qualité à agir faute de produire à l’appui de sa requête les certificats d’identité et les extraits des registres émis par l’OMPI pour les marques internationales et par l’EUIPO pour les marques de l’Union européenne afin de permettre au président de pouvoir s’assurer de la titularité des marques et des actes éventuellement inscrits qui seuls sont opposables aux tiers en application de l’article L 613-9 du code de la propriété intellectuelle, la production des extraits de base de donnée étant insuffisante à cet égard. Elle précise que les pièces produites lors de la présente instance sont aussi insuffisantes puisque aucun état des inscriptions sur les registres n’est produit et que la seule production des certificats d’enregistrement, trop ancien, est insuffisante. La société STAR’TERRE ajoute que la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY a dissimulé ou dénaturé au juge certains faits et notamment l’ensemble des procédures en cours engagées par cette dernière devant les juridictions Belge et Française ; que la photographie qui est versée à l’appui de la requête avait manifestement été obtenue de manière déloyale dans les locaux privés de la société STAR’TERRE, ou encore qu’il a été dissimulé au juge que ce véhicule bénéficie d’un certificat de conformité Européen et que la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY avait transigé le 24 octobre 2016 avec le fournisseur de la société STAR’TERRE dudit véhicule, la société QUADRIGA avec laquelle elle était en litige en Belgique. La société STAR’TERRE fait en outre valoir que la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY, par une rédaction trompeuse, a obtenu l’autorisation de saisir des informations relatives à des actes qui ne sont ni incriminés ni incriminables de contrefaçon de marque dès lors que l’huissier a pu saisir des informations sur les véhicules vendus hors le réseau de distribution sélective mais provenant du marché de l’EEE et qui ne sont pas susceptibles de contrefaçon de marque. La société STARTERRE estime également que le juge des requêtes ne peut autoriser l’huissier de justice, en l’absence de produits « contrefaisants » sur les lieux, à poursuivre les opérations et à compulser tous les documents liés aux « contrefaçons » trouvés sur les lieux sous peine de préjuger du bien-fondé de la réclamation, présentée ex-parte, de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGN Y, ce qui est impossible.

La société STARTERRE sollicite enfin la mise sous scellés des documents saisis par l’huissier de justice en ce qu’ils divulguent notamment ses fournisseurs au sein de l’EEE ainsi que les prix de ventes des véhicules, autant d’informations qui ont une valeur commerciale considérable et dont la divulgation à HYUNDAI lui causerait un préjudice énorme. Elle sollicite en conséquence la mise sous scellés dans l’attente qu’un juge ordonne une expertise de tri confidentielle.

En réponse, la société HYUNDAI MOTOR COMPAGN Y demande au juge de bien vouloir, au visa des articles L. 716-5 et L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle et 469 du code de procédure civile :

  • Déclarer irrecevable et mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société STARTERRE ;
  • Dire et juger que le président du tribunal de grande instance de Paris était compétent pour ordonner la mesure de saisie-contrefaçon ;
  • Recevoir la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY en l’intégralité de ses demandes ;
  • Confirmer l’ordonnance du 21 octobre 2016 ; En conséquence :
  • Débouter la société STARTERRE de sa demande de rétractation de l’ordonnance du 21 octobre 2016 ;
  • Débouter la société STARTERRE de l’intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause :

  • Condamner la société STARTERRE à verser 10 000 euros à la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. Au soutien de ses prétentions, la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY fait valoir que le président du tribunal de grande instance de Paris était bien seul compétent pour connaître d’une demande d’autorisation portant sur la réalisation d’une mesure de saisie contrefaçon relative à la fois à des marques de l’Union européenne et à des marques françaises et internationales, quel que soit le lieu d’exécution de la mesure en France. Elle ajoute qu’elle a fourni au juge des requêtes des extraits récents et datés des registres et bases de données officiels des offices de propriété intellectuelle correspondants (INPI, EUIPO et OMPI) et que la consultation de ces documents ne permet de douter sérieusement de sa titularité sur les marques invoquées mais également qu’aucune inscription les affectant n’a été effectuée depuis et précise qu’elle produit en complément les documents permettant de confirmer ses droits dans la pièce n°19. La société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY soutient en outre avoir indiqué dès la requête que seuls les véhicules qui ne sont pas destinés au marché de l’EEE étaient visées et qu’elle n’a jamais eu l’intention de remettre en cause la distribution hors de son réseau pour autant que les véhicules soient licitement mis en vente sur le territoire concerné. Elle ajoute qu’elle n’avait pas à signaler au juge des requêtes l’ensemble des procédures en cours engagées à rencontre d’autres revendeurs qui n’ont pas été définitives et que la photographie qui a été produite a été obtenue au sein des locaux accessibles au public. Elle considère enfin que l’existence du certificat de conformité UE n’a pas été dissimulé puisqu’il était visé dans le courrier de la société STAR’TERRE en date du 6 septembre 2016 (pièces n°11) et qu’en tout état de cause, ce certificat ne justifie pas que le titulaire de la marque autorise que le véhicule mis en vente sur le marché de l’EEE soit importé au sein de l’EEE par un tiers, étant un simple document technique qui établit la conformité du véhicule à certaines propriétés mécaniques et réglementaires. Elle s’oppose enfin à la demande de mise sous scellés des documents saisis faute pour la société STAR’TERRE de justifier du préjudice qu’elle subirait si ces documents étaient divulgués ajoutant en outre que les informations saisies permettent de confirmer et de justifier le caractère contrefaisant des véhicules litigieux et l’étendue de son préjudice et que la divulgation du nom des fournisseurs et des prix sont habituelles dans le cadre d’une saisie contrefaçon.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le moyen tiré de l’incompétence du président du tribunal de grande instance de Paris ; En vertu des articles L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle et R. 211-7 du code de l’organisation judiciaire, les actions civiles et les demandes relatives aux marques communautaires sont exclusivement portées devant le Tribunaux de grande instance de PARIS, y compris lorsqu’elles portent à la fois sur une question connexe de concurrence déloyale. Aux termes de l’article L. 716-7 du code de propriété intellectuelle toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut faire procéder en tout lieu en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente à une saisie-contrefaçon.

En l’espèce, il est constant que la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY a invoqué lors du dépôt de sa requêtes les marques suivantes : Au titre des marques de l’Union européenne :

  • La marque figurative de l’Union européenne « H logo » du 11 novembre 2010 n° 12347878
  • La marque figurative de l’Union européenne « Go » du 30 septembre 2013 n° 12183307
  • La marque verbale de l’Union européenne « Go » du 30 septembre 2013 n° 12183381
  • La marque verbale de l’Union européenne « IONIQ » du 23 juillet 2015 n° 14407407
  • La marque verbale de l’Union européenne « HYUNDAI » du 4 novembre 2013 n° 12312518
  • La marque verbale de l’Union européenne « HYUNDAI FAN PARK » du 21 novembre 2013 n°12332813
  • La marque verbale de l’Union européenne « FAN PARK » du 21 novembre 2013 n° 12332904
  • La marque figurative de l’Union européenne « H » du 27 novembre 2013n°12348116;
  • La marque verbale de l’Union européenne « HYUNDAI » du 14 novembre 2013 n° 12313748; Au titre des marques internationales désignant la France :
  • La marque figurative internationale « HUNDAI new thinking new possibilities » du 5 novembre 2010 n° 1062746
  • La marque figurative internationale « H » du 23 février 2010 n° 1036496;
  • La marque figurative internationale « HYUNDAI » du 23 février 2010 n°l046531 ;
  • La marque figurative internationale « HYUNDAI Drive your way» du 9 mars 2005 n°864525 ; Au titre des marques françaises :
  • La marque verbale française « Hyundai Santa Fe » du 14 décembre 1999 n° 99828738;
  • La marque verbale française « CRDI » du 13 février 2013 n°3082532 ;
  • La marque figurative française « TUSCON » du 4 septembre 2003 sous le numéro 3244081 ; Ainsi, neuf des seize marques invoquées par la demanderesse au soutien de la saisie contrefaçon sont des marques de l’Union européenne, qui ne peuvent dès lors être invoquées que devant le Tribunal de grande instance de PARIS et justifiaient à elles seules la compétence du président du tribunal de grande instance de PARIS pour voir ordonner des mesures de saisies contrefaçon susceptibles d’être réalisées sur l’ensemble du territoire français. Il convient en conséquence de rejeter le moyen tiré de l’incompétence du Tribunal de grande instance de PARIS.

Sur la titularité des marques par la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY;

En application de l’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle « l’action civile en contrefaçon est engagée par le propriétaire de la marque ». En outre, aux termes de l’article L. 716-7 du code de propriété intellectuelle toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut faire procéder en tout lieu en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente à une saisie- contrefaçon. Il appartient en conséquence au requérant de produire les documents permettant de justifier de sa qualité de propriétaire de la marque et au juge saisi d’une demande de rétractation de l’ordonnance aux fins de saisie-contrefaçon d’apprécier si les conditions d’autorisation d’une telle saisie étaient remplies au jour de la requête, et au vu des éléments versés au débat lors de la procédure devenue contradictoire, si le requérant est bien titulaire des marques qu’il invoque à son soutien. En l’espèce, il est constant que lors du dépôt de la requête était annexée à celle-ci une pièce numérotée 1 qui comportait les documents suivants s’agissant des marques de l’Union européenne invoquées à son soutien :

  • Un extrait de la base de donnée de l’EUIPO du 9 juin 2016 pour justifier des droits de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY sur la marque figurative de l’Union européenne « H logo » du 11 novembre 2010n°12347878 ;
  • Un extrait de la base de donnée de l’EUIPO du 9 juin 2016 pour justifier des droits de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY sur la marque figurative de l’Union européenne « Go » du 30 septembre 2013 n° 12183307;
  • Un extrait de la base de donnée de l’EUIPO du 9 juin 2016 pour justifier des droits de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY sur la marque verbale de l’Union européenne « Go » du 30 septembre 2013 n° 12183381 ;
  • Un extrait de la base de donnée de l’EUIPO du 9 juin 2016 pour justifier des droits de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY sur la marque verbale de l’Union européenne « IONIQ » du 23 juillet 2015 n° 14407407;
  • Un extrait de la base de donnée de l’EUIPO du 9 juin 2016 pour justifier des droits de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY sur la marque verbale de l’Union européenne « HYUNDAI » du 14 novembre 2013 n° 12312518 ;
  • Un extrait de la base de donnée de l’EUIPO du 9 juin 2016 pour justifier des droits de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY sur la marque verbale de l’Union européenne « HYUNDAI FAN PARK » du 21 novembre 2013 n° 12332813 ;
  • Un extrait de la base de donnée de l’EUIPO du 9 juin 2016 pour justifier des droits de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY sur la marque verbale de l’Union européenne « FAN PARK » du 21 novembre 2013 n° 12332904;
  • Un extrait de la base de donnée de l’EUIPO du 9 juin 2016 pour justifier des droits de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY sur la marque figurative de l’Union européenne « H » du 27 novembre 2013 n°12348U6;
  • Un extrait de la base de donnée de l’EUIPO du 9 juin 2016 pour justifier des droits de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY sur la marque verbale de l’Union européenne « HYUNDAI » du 14 novembre 2013 n° 12313748 ; À la suite de l’assignation en rétractation, la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY verse en outre aux débats s’agissant de chacune de ses marques de l’Union européenne, à l’exception de la marque figurative de l’Union européenne « Go » du 30 septembre 2013 n° 12183307 et de la marque verbale de l’Union européenne « Go » du 30 septembre 2013 n° 12183381, une copie des certificats d’enregistrement de ces marques et notamment les certificats enregistrés le :
    • 14 avril 2014 s’agissant de la marque verbale « HYUNDAI » n° 12312518, et de la marque verbale « HYUNDAI » n° 12313748 ;
    • 24 avril 2014 s’agissant de la marque figurative de l’Union européenne « H » du 27 novembre 2013 n° 12348116 ;
    • 6 juin 2014 s’agissant de la marque figurative de l’Union européenne « H logo »n° 12347878;
    • 25 avril 2014 s’agissant de la marque verbale de l’Union européenne « HYUNDAI FAN PARK » n° 12332813 ;
    • 3 septembre 2014 s’agissant de la marque verbale de l’Union européenne « FAN PARK » n° 12332904 ;
    • 5 février 2016 s’agissant de la marque verbale de l’Union européenne « IONIQ » du 23 juillet 2015 n° 14407407. Si la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY ne produit pas en sus un état des inscriptions sur le registre de ces marques, il convient cependant d’observer que la production des certificats d’enregistrement précités, corroborée avec les extraits de base de données qui avaient été produits lors de la requête sur lesquels la rubrique « inscription », soit ne comporte aucune mention, soit comporte des mentions qui n’affectent pas sa titularité en ce qu’elle concerne une modification de nom et d’adresse professionnelle ou de représentant, permettent ainsi de justifier de la titularité de ses droits sur les marques de l’Union européenne et ce faisant de sa qualité pour solliciter une saisie contrefaçon par voie de requête. Il convient dans ces conditions de rejeter ce moyen.

Sur le moyen tiré de la dissimulation et de la dénaturation des faits ;

Sur l’absence de mention de l’ensemble des procédures engagées par la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY; Il ressort de la requête que la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY a précisé au juge qu’elle avait « déjà obtenu, dans des circonstances similaires à l’espèce, plusieurs ordonnances rendues auprès des tribunaux allemands compétents à l’encontre de revendeurs non autorisés, sur la base de l’usage illicite de ses marques » et qu’elle a produit en pièce 4 de sa requête une décision rendue par le tribunal régional de Stuttgart du 2 septembre 2016. Il ne peut être considéré comme déloyal de la part de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY de n’avoir pas également fait état d’autres procédures similaires contre d’autres revendeurs dans d’autres pays tels que la Belgique et la France et ce alors que ces procédures n’ont pas abouti à une décision qui lui aurait été défavorable au jour où le juge des requêtes a rendu sa décision.

Sur l’illicéité de la photographie du véhicule produite au soutien de la requête ;

À titre de commencement de preuve de la contrefaçon alléguée, la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY a produit une photographie d’un véhicule et une attestation de Monsieur Hugo W indiquant avoir pris cette photo dans les « locaux de Starterre situés […] ». Contrairement aux allégations de la société STARTERRE qui soutient que ses locaux ne sont pas accessibles au public, il ressort de son propre site internet que ses locaux sont ouverts au public du lundi au samedi de 9h à 19h et que ce site propose aussi une visite virtuelle de ceux-ci et notamment des parkings où sont garés les véhicules proposés à la vente. Ce faisant, la seule allégation selon laquelle, la photographie aurait été prise dans un lieu non accessible au public, qui n’est corroborée par aucun autre élément, ne permet pas de caractériser un manque de loyauté de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY dans l’obtention de cette photographie qui a servi de commencement de preuve.

Ce moyen sera en conséquence rejeté. Sur la dissimulation de l’existence d’un certificat de conformité Européen ; Il convient d’observer que ce moyen manque en fait puisque le requête présentée devant le juge le 21 octobre 2016 comportait bien en pièce n°11 un courrier de la société STARTERRE en réponse à la lettre de mise en demeure adressée par la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY, aux termes duquel celle-là précise expressément que « tous les véhicules étrangers commercialisés par ses soins justifient d’un certificat de conformité CEE, émis par le constructeur automobile, et confirmant que ses véhicules peuvent être enregistrés de manière permanente dans un État membre de l’EEE ». Ce faisant, l’existence de ces certificats de conformité n’était pas dissimulée au juge des requêtes qui a entendu cependant faire droit à celle-ci. Il convient dès lors de rejeter ce moyen. Sur la dissimulation de la transaction conclue entre la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY et la société belge QUADRIGA ; Si la mention par la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY de négociations en cours auprès d’un autre revendeur Belge (la société QUADRIGA) aurait pu être faite au juge des requêtes sans remettre en cause la confidentialité de l’accord transactionnel, il ne paraît que cette information si elle avait été donnée aurait conduit le juge à ne pas ordonner la mesure sollicitée et ce alors qu’elle ne concerne pas le même revendeur et qu’au regard du commencement de preuve produit, il pouvait être légitime, nonobstant la volonté de la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY de trouver des accords amiables pour mettre fin à ces litiges, de lui permettre de s’assurer ou non de l’existence d’une contrefaçon de marque par la société STAR’TERRE. Enfin, ne peut justifier une rétractation de l’ordonnance, le fait que la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY ait évoqué dans sa requête des tentatives de résolution amiables entreprises et l’absence de «réponse constructive » de la société STAR’TERRE. Sur le moyen tiré du détournement de l’article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle ; Il ressort des termes de l’ordonnance que la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY a été autorisée en application de l’article L. 716- 7 du code de la propriété intellectuelle à faire procéder par tout huissier territorialement compétent de son choix à la description des véhicules revêtus des marques argués de contrefaçon « dans la mesure où ils auraient été introduits sur le marché de l’EEE, et/ou en dehors du réseau de distributeurs sélectionnés par Hyundai, alors qu’ils n’étaient pas destinés à ce marché au siège de la société Star’TERRE sise […]… ». La mesure de saisie ordonnée porte bien, non pas uniquement sur les véhicules vendus en dehors du réseau de distributeurs sélectionnés par la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY comme le soutient la société STAR’TERRE, mais plus précisément sur les véhicules non destinés au marché de l’EEE, ce qui entre précisément dans le champ de la contrefaçon alléguée. Enfin, si l’ordonnance autorise l’huissier de justice, en l’absence de produits « contrefaisants » sur les lieux, à poursuivre les opérations et à compulser tous les documents liés aux « contrefaçons », sans évoquer les produits « prétendument » contrefaisants, cette seule circonstance ne permet pas d’emporter la remise en cause de l’ordonnance aux motifs qu’elle préjugerait du bien-fondé de l’action dès lors qu’en tout état de cause le juge des requêtes n’est pas le juge du bien-fondé de la contrefaçon qui relève des pouvoirs du tribunal de grande instance statuant au fond, de telle sorte qu’une telle mention ne peut avoir les conséquences que lui prête la société STARTERRE. Ce moyen sera en conséquence rejeté.

Sur la demande placement sous scellés des documents saisis le 25 octobre 2016 ;

En l’espèce, il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 25 octobre 2016, que l’huissier a procédé à la photographie de copie d’écran comportant un listing de 109 véhicules HYUNDAI acquis du fournisseur QUADRIGA ainsi qu’à l’extraction d’un listing de l’ensemble des véhicules HYUNDAI achetés par la société STARTERRE depuis 5 ans, le fichier faisant apparaître la marque, le modèle, la version, le n° de châssis, l’immatriculation, la date de mise en circulation, la date d’achat, le fournisseur et le prix de vente HT. Ce faisant, les documents saisis s’inscrivent dans le cadre de la saisie- contrefaçon accordée en ce qu’ils permettront d’établir parmi ces listings ceux des véhicules HYUNDAI qui ont été introduits par la société STARTERRE sur le marché EEE alors qu’ils étaient destinés au marché extérieur, étant observé qu’il est nécessaire à la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY d’avoir accès à l’ensemble des véhicules HYUNDAI acquis par la société STARTERRE pour pouvoir effectuer cette recherche.

La demande de mise sous scellés sera en conséquence rejetée.

Sur les autres demandes ;

Il y a lieu de condamner la société STARTERRE, partie perdante, aux dépens.

En outre, elle doit être condamnée à verser à la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 4 000 euros. PAR CES MOTIFS Statuant par ordonnance rendue publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort :

  • REJETONS l’exception d’incompétence territoriale invoquée par la société STARTERRE ;
  • REJETONS la fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir ;
  • REJETONS les demandes de la société STARTERRE ;
  • DISONS n’y avoir à lieu à rétracter l’ordonnance du 21 octobre 2016 ;
  • CONDAMNONS la société STARTERRE à payer à la société HYUNDAI MOTOR COMPAGNY la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
  • CONDAMNONS la société STARTERRE aux dépens.

Le présent article constitue une mise en perspective des arrêts Bluetouff rendu par la Cour d’appel de Paris, le 5 février 2014 et Svensson rendu par la Cour de justice de l’Union européenne, le 13 février 2014. De fait, elle s’impose dans la mesure où ces arrêts apportent de nouvelles précisions sur le cadre juridique applicable aux usages d’internet et notamment sur le délicat équilibre entre la liberté d’utilisation d’internet et la protection des droits des individus. (CA Paris, pôle 4, ch. 10, 5 févr. 2014 ; CJUE, 13 févr. 2014, aff. C-466/12, RLDI 2014/102, n°3374) Internet est loin d’être le Far West juridique que certains médias ou politiques appellent à réguler. Néanmoins, les mécanismes de régulation de l’internet sont en constante évolution, tant au niveau national que supranational. Ils exigent de rechercher le point d’équilibre délicat entre la nécessité de protéger les droits de chaque acteur et l’importance de préserver les libertés individuelles et collectives.

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L

a Cour de justice européenne a précisé, dans un arrêt du 3 juillet 2012, que le droit de distribution d’un logiciel est épuisé après téléchargement payant et sans limitation de durée. Le logiciel peut alors être revendu « d’occasion ». Cette solution pourrait s’appliquer aux musiques, aux films ou aux livres.

Dans le cadre de son interprétation de l’article 4.2 de la directive européenne dite « Logiciels »1)Article 4.2 de la directive « Logiciels » n° 2009/24/CE sur la protection juridique des programmes d’ordinateur du 23 avril 2009., la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) considère le droit de distribution comme étant épuisé lorsque le titulaire des droits d’auteur a concédé à un licencié le droit d’utiliser une copie sans limitation de durée, que cette copie soit matérielle ou numérique.

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References

References
1 Article 4.2 de la directive « Logiciels » n° 2009/24/CE sur la protection juridique des programmes d’ordinateur du 23 avril 2009.